Journal REsistance SOciale n° 134
Février 2015
Mis en ligne le 23 février 2015

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale (Syriza ! Et maintenant ?) / p.3 à 6 : Place au débat (Le projet de loi santé) / p.7 : Actualité sociale (Peut-on encore être syndicaliste à La Poste ? On s’interroge…) / p.8 : Coup de gueule (Assez du mépris des élites pour les salariés !)

L’édito de Marinette Bache

Ce qui m’inquiète finalement le plus avec ce gouvernement, c’est sa cohérence anti-sociale. Cohérent Emmanuel Macron, quand il propose de remettre en cause, comme jamais cela n’a encore été fait, y compris sous Sarkozy, notre droit social protecteur ; cohérent Manuel Valls, quand il invite les investisseurs chinois à venir en France où « on licencie facilement » -d’ailleurs ce sera encore plus facile si E. Macron peut poursuivre son œuvre destructrice ; cohérent François Hollande, quand il approuve l’attitude scandaleuse de la BCE vis-à-vis du gouvernement grec.

La dérégulation du marché du travail -initiée sous le précédent gouvernement de droite, mais qui a passé la surmultipliée depuis l’élection de François Hollande alors que les salariés auraient légitimement pu s’attendre à voir leurs intérêts mieux pris en compte- crée chaque jour plus de précarité. La loi s’est vue supplantée par les accords de branches ; les accords de branches par ceux d’entreprises. Aujourd’hui c’est le contrat de travail qui est en ligne de mire, mais déjà, de nombreux salariés –en particulier les femmes– n’ont droit qu’à des CDD ou à des emplois précaires à temps partiels.

On ne fabule hélas pas quand on constate, qu’en plus, sont menacés à divers titres, les conseils de prud’hommes, les institutions représentatives du personnel, les CHSCT, l’inspection du travail, la médecine du travail, …

La réforme fiscale promise attend toujours tandis que l’évasion fiscale prend de l’ampleur… et le ministre de l’Economie se couvre de honte, ou de ridicule, en appelant les jeunes à aspirer devenir milliardaires.

Devient-on milliardaire sans exploiter ses concitoyens, sans délocaliser ses profits ? Est-ce un horizon à vanter à des millions de jeunes sans travail ou de précaires surexploités ?

Le nombre de chômeurs augmente, la France perd des emplois. Les salaires du privé et le point d’indice de la fonction publique sont bloqués. Le pouvoir d’achat est en baisse tandis que les grandes fortunes explosent.

Les services publics tirent le diable par la queue. On privatise nos aéroports. Les hôpitaux publics vont devoir se procurer quelques finances en faisant de la pub pour attirer les riches patients étrangers : étrange conception d’une politique de santé publique.

Sur fond de promesses non tenues des politiques, de scandales fiscaux de la jet-set, d’arrogance du patronat, de mépris des puissants et de dérapages –qu’on voudrait seulement verbaux– de ministres, se développe un fort malaise social.

Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre et la législative partielle du Doubs n’est en rien une victoire de la gauche. On ne peut se cacher indéfiniment derrière le « ni-ni » de l’UMP pour refuser de regarder en face le fort rejet du PS qu’ont entrainé les conséquences d’une politique qui désespère. On ne peut se contenter vis-à-vis de la montée du FN, amplifiée par l’abstention, de privilégier une attitude morale assise sur un mépris affiché pour « ces ouvriers qui votent à l’extrême-droite ». On ne peut se gargariser de références pauvrement républicaines du « vivre ensemble » et détruire les conditions du pacte social symbolisé par le programme du CNR. (...)

Le Président et son gouvernement espéraient que l’incantation à l’unité nationale qui a suivi les attentats terroristes pourrait leur servir de bouclier électoral. Leur nouvelle chute dans les sondages les rappellera-t-elle à la réalité ? Rien n’est moins sûr.

Certains socialistes ont cependant compris l’enjeu et tentent de se battre, tant à l’intérieur du PS dans le cadre de la préparation du congrès de Poitiers, qu’à l’extérieur avec le combat des parlementaires membres de Vive la Gauche contre la loi Macron.

Du côté du Front de gauche, le résultat plus que décevant lors de la législative dans le Doubs (un peu plus de 3 %), dans une circonscription pourtant ouvrière, mérite qu’on s’y arrête et qu’on réfléchisse à la stratégie et aux moyens de constituer une alternative crédible à gauche. Car si le FN obtient un tel score, c’est aussi qu’il manque en France cette alternative crédible, qu’on avait cru possible lors de la 1ère partie de la campagne présidentielle de 2012. Il serait utile de prendre exemple de ce qu’a fait Syriza en Grèce, dont il faut saluer la victoire et le courage des dirigeants, qui maintiennent la réalisation de leurs promesses électorales malgré les attaques de Merkel, de la BCE et du FMI.

Syriza, comme Podemos en Espagne, montrent qu’il ne faut pas désespérer des vrais militants de gauche et qu’une relève de la gauche est possible même lorsqu’elle est trahie par les partis censés la représenter. On peut compter sur Résistance Sociale pour aider à la construction d’une même démarche de renouveau.