Qu’est-ce que la gauche ?
Edito de Marinette Bache, journal RESO n° 198 - Décembre 2020
Mis en ligne le 12 décembre 2020

Qu’est-ce que la gauche ?

Pourquoi est-ce que je pose cette question ? Mais parce qu’elle est cruellement d’actualité quand certains voudraient imposer comme « progressiste » la division entre les individus au nom de leur sexe, de leur prétendue race ou de leur supposée religion, quand, au nom de la modernité, on a, depuis plus de 40 ans maintenant, détricoté méthodiquement tout ce qui permettait à chacun, quelle que soit sa fortune, d’avoir accès à la vie citoyenne, économique et sociale.

La gauche, c’est donc d’abord le respect du citoyen. De l’Homme (homme ou femme) élevé -au sens littéral- dans la raison et ainsi capable par le savoir qu’on lui a transmis de développer une réflexion personnelle en dehors de tout dogme, une réflexion libérée de tout ghetto « culturel » d’origine ou/et imposé.

La gauche, c’est de permettre à chacun de vivre de son travail, sans avoir de craintes vis-à-vis des fins de mois, sans que ce travail avilisse ou rendre malade. C’est de faire que la loi veille à instaurer des rapports professionnels corrects et un salaire décent et non remis en question. C’est aussi de promouvoir l’accès de chacun au repos et aux loisirs.

La gauche, c’est que la communauté nationale, la seule reconnue par tous, prenne en charge ceux qui sont la proie de difficultés passagères ou durables. Que ce soit pour la maladie, le handicap ou la perte temporaire d’emploi. Et qu’une vieillesse confortable et à l’abri du besoin soit possible. La gauche, c’est que chaque enfant, chaque adolescent, chaque jeune, garçon ou fille, ait accès à une éducation laïque, obligatoire et gratuite. Une école exigeante et de qualité.

La gauche, c’est que le libre débat puisse avoir lieu et les idées se bousculer sans la menace du dogme, de la bien-pensance ou de l’accusation de blasphème.

La gauche, c’est tout ça… et bien autre chose, mais d’abord tout ça.

La gauche, c’est la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.

Mais cette gauche n’existe pas si elle en reste aux intentions et aux belles paroles.

La vérité de la gauche se mesure à son courage.

Une gauche qui se soumet aux lois du capital, aux volontés des puissants au prétexte « qu’on ne peut pas faire autrement » n’est pas la gauche. Une gauche qui a peur d’elle-même, qui oublie ses racines républicaines et socialistes n’est pas la gauche.

Une gauche qui n’a pas le premier souci des besoins et aspirations du peuple plutôt que des sollicitations et quémandages des élites n’est pas la gauche. Une gauche qui adopte les façons de penser et d’agir de ses adversaires n’est pas la gauche.

Car la gauche se reconnait à travers les outils qu’elle se donne pour être à la hauteur de ses devoirs et des espérances.

Un État, outil de planification, de perspectives, facteur d’égalité territoriale avec des transports collectifs modernes et respectueux de l’environnement, desservant l’ensemble de nos communes, des services publics nationaux forts et implantés dans tous les territoires, une puissance publique organisant la relocalisation de nos industries et de nos emplois y compris sous son contrôle direct, en prenant en compte les divers intérêts économiques, sociaux et environnementaux de la population.

Une fiscalité juste et progressive, « répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Les entreprises et leurs actionnaires doivent contribuer largement à la richesse commune dont ils bénéficient.

Une École permettant à chaque enfant, fille ou garçon, d’acquérir une éducation et des savoirs qui feront de lui une citoyenne, un citoyen conscient de ses droits et de ses devoirs avec une formation professionnelle débouchant sur des emplois de qualité.

Une organisation sanitaire offrant à tous, quelles que soient ses possibilités financières, des soins de santé et des prises en charge hospitalières efficaces ainsi qu’une réponse aux pandémies, en préservant et en revivifiant la Sécurité sociale qu’ont voulu nos anciens à la sortie de la 2nde guerre mondiale.

La nationalisation doit redevenir l’outil privilégié de la gauche, qui pour l’instant, au mieux, se cache derrière l’expression fourretout de « Pôle public ».

Les grands secteurs de la recherche industrielle et les laboratoires pharmaceutiques doivent faire l’objet de prise de contrôle public afin qu’ils travaillent au profit de l’ensemble de la Nation et non pas au profit de quelques actionnaires.

Tout ceci est bien loin de ce que nous vivons. Le macronisme, au contraire, dans la droite ligne de son prédécesseur, Giscard dont il est bienséant aujourd’hui de vanter la « modernité », s’acharne à détruire tout ce qui a fait notre pays.

Ce qui est plus grave, c’est qu’une fausse gauche a poursuivi longuement, consciemment ou pas, ce même chemin. Ce qui serait plus grave encore, c’est que la gauche des partis, des syndicats et des associations ne soit pas capable aujourd’hui, par bêtise ou par paresse, d’en ouvrir un autre.