Journal REsistance SOciale n°177
Janvier 2019
Mis en ligne le 23 janvier 2019

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.3 à 5 : Place au débat / p. 6 et 7 : Actu sociale / p.8 : Coup de gueule

L’édito de Marinette Bache

Depuis le 17 novembre, donc près de 2 mois et demi un grand mouvement populaire revendicatif, revêtant une forme toute nouvelle, traverse la France. Il bénéficie, malgré le pilonnage de médias à la solde de la macronie, d’un large et durable soutien des Français.

Pourtant tout est fait pour le discréditer, particulièrement par la mise en exergue de quelques « leaders » -désignés comme tels par quelques « journalistes » ou officines gouvernementales- aux prétendues accointances d’extrême droite. N’est-on pas allé jusqu’à ce que certains, à gauche, militants, partis ou syndicats, déboussolés par cette révolte spontanée, affichent leur méfiance, quelquefois leur rejet ? Heureusement cette période est derrière nous.

Comme pourrait-il en être autrement ? Les revendications des « Gilets jaunes (GJ) » nous sont familières. Elles portent une profonde fibre sociale. Exprimées par des mots et des expressions qui ne sont pas les nôtres car les GJ ne sont que rarement de milieux militants, elles concernent les salaires et le pouvoir d’achat, les taxes, l’ISF et la justice fiscale, l’aménagement du territoire, les transports et les services publics de proximité. Elles exigent également reconnaissance et dignité.

Sont-ce des revendications de droite ? Bien sûr que non ! Certes il y a des infiltrations mais ce ne sont que des manœuvres ; évitons d’en faire des généralités, ce n’est pas rendre service à ce mouvement, mais c’est faire le jeu de Macron. Par contre, c’est vrai qu’ils n’ont guère confiance en la gauche ; après tant de trahisons, on peut comprendre. A nous de revenir à la hauteur.

L’autre voie employée pour discréditer les GJ passe par l’accusation systématique de violence. D’abord, même si à RESO, nous ne tomberons jamais dans « l’anti-police » systématique, nous ne pouvons passer par pertes et profits l’attitude inadmissible d’une poignée de policiers qui déshonorent leur profession par leur conduite. Et surtout nous affirmons que les plus hautes autorités se discréditent par leur gestion des manifestations. Ensuite, oui, il y a eu des débordements à Paris, 2 samedis de suite, et dans quelques grandes villes de province. Une observation honnête y relève toute de suite l’infiltration des mêmes casseurs savamment utilisés, dans le mandat précédent, pour déconsidérer les manifs contre la loi El Khomri. On connait désormais bien cette tactique du pouvoir. On a aussi eu affaire aux perturbateurs dits de l’ultragauche, souvent issus de milieux bourgeois, bien éloignés des difficultés salariales et venus se donner le frisson en « cassant du flic ». Plus grave, les identitaires de l’extrême droite, racistes et antisémites, ont essayé de dévoyer le mouvement.

Qu’a-t-on constaté ? Que, très majoritairement, ils ont été rejetés par les vrais « Gilets jaunes », ceux issus du peuple et qui se relaient pour occuper les ronds-points et participer aux manifs du samedi que le gouvernement n’arrive pas à stopper.

Face à cette exigence populaire, quelle a été l’attitude de Macron ? D’abord le silence dans lequel il s’est muré pendant plus d’un mois, laissant ses sbires monter au créneau… avec plus ou moins de réussite. Si Edouard Philippe a la capacité de défendre avec calme une politique qui est presque quasi unanimement rejetée, il en est autrement des 2 fantassins de la macronie qui ont aligné gaffe sur gaffe.

De Castaner à Griveaux, ce ne sont qu’étalages péremptoires de suffisance, d’incompétence et de mépris, qui leur reviennent d’ailleurs comme un boomerang.

Le 1er discours de Macron apparaitra comme complètement déconnecté de la situation. Très vite, ses propos sont décryptés pour ce qu’ils sont : de l’enfumage. Je l’avais évoqué dans mon édito de décembre 2018 : fausse augmentation du SMIC, des miettes pour les retraités, cadeau au patronat à travers la défiscalisation des HS, larmes de crocodile sur la disparition –qu’il organise- des services publics. La clique s’apercevra assez vite que le peuple n’a pas été dupe et maintient son soutien au mouvement. Il cherche alors une autre réponse. Elle sera double.

D’abord l’organisation du « Grand débat national ». Si la situation n’était pas aussi grave pour notre pays, on en rirait ! Griveaux, le clown suffisant, y va tout de suite de sa déclaration : « Le grand débat ne doit pas être le prétexte à détricoter ce qui a été fait ». Mais, M. Griveaux, c’est ce qui a été fait qui a mis la France dans la rue et sur les ronds-points ! Peu importe, affirme-t-il : « les transformations engagées doivent se poursuivre ». Mais alors, pourquoi nous demandes-tu notre avis, rigolo ! Et s’il ne s’agissait que de cet irresponsable, mais Macron lui-même, alors que la justice sociale et fiscale est une des premières exigences, rappelle que « l’ISF ne sera pas rétablie ». Bref on peut parler de tout sauf de l’ISF, du SMIC, de la CSG, des retraites, de la sécurité sociale, de la justice fiscale, du RIC… Pire, alors que le besoin de services publics de proximité est constamment mis en avant, particulièrement dans les territoires ruraux oubliés et les périphéries urbaines délaissées, il ose demander quels services publics il faut supprimer ! L’autiste Macron n’a-t-il pas vu les mobilisations contre les fermetures des maternités, des classes d’écoles, des bureaux de poste, des hôpitaux de proximité, des gares et des lignes SNCF ? A-t-il vu une seule manif pour en demander la suppression ?

On a l’habitude de considérer que les Français, interrogés par référendum, ne répondent pas à la question qui leur est posée mais à celle que, eux, ils posent. S’ils veulent jouer avec Macron à ce grand débat, c’est la bonne méthode !

Deuxième angle d’attaque de la riposte macroniste, ce que j’appellerais l’essai de stratégie du chaos. Oui, on peut se poser des questions sur ce que veut un pouvoir qui méprise aussi ouvertement son peuple et l’insulte tous les trois-quatre matins. Et en rajoute régulièrement : la dernière en date de Macron, après les « gaulois réfractaires » et le « pognon de dingues », étant de déclarer que les gens en difficulté ont besoin d’être « responsabilisés » car « beaucoup déconnent »…

Que cherche un Président, le plus mal élu de la 5ème république, qui, au moment où le peuple crie son désespoir, reçoit 150 patrons de multinationales ? Que cherche un gouvernement qui, face à un peuple qui dénonce toutes les formes d’injustices, protège Benala et Carlos Ghosn ? Que cherche un ministre de l’Intérieur qui met le feu dans les manifs ? Que cherche une ministre de la justice qui demande l’identification des donateurs d’une cagnotte ? Que cherchent des élus LREM dont les déclarations à l’emporte-pièce ressemblent à des « fakes » ? Que cherchent des soutiens du pouvoir qui se répandent en propos indignes, tels Bernard Henri-Lévy ou Luc Ferry ? Quel est le but de tant de provocations ?

Ou bien est-ce vraiment une simple et tragique incompétence et une totale méconnaissance de l’histoire de notre peuple et des réalités qu’il vit ?

Alors que ce qui est au cœur de ce mouvement populaire, c’est la question sociale, il est d’un autre temps que le pouvoir y réponde par des atteintes graves à la démocratie et attise l’incendie social en ignorant les réalités.

Qui sème le vent récolte la tempête.