Thierry Lepaon dans l’HD : "Aider la gauche à avoir une politique de gauche"
Mis en ligne le 7 septembre 2013

Dans l’Humanité Dimanche, cette semaine, le secrétaire général de la CGT réagit aux annonces du gouvernement sur le projet de réforme des retraites. Avec FO, Solidaires et la FSU, la centrale syndicale appelle à la mobilisation, mardi 10 septembre, sur la question des retraites et sur celles étroitement liées des salaires et de l’emploi.

Extrait de l’entretien.

HD. Comment réagissez-vous aux annonces faites par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 27 août, dès la fin des consultations avec les organisations syndicales et patronales, sur le contenu de la future réforme des retraites ?

Thierry Lepaon. Cette annonce précipitée confirme la manière dont le premier ministre a géré ce dossier. Il a refusé qu’il y ait des négociations, qu’il y ait des tables rondes entre syndicats, organisations patronales et gouvernement. Seuls le premier ministre et les autres ministres concernés disposaient de l’ensemble des propositions et des remarques faites par chacune des organisations. En faisant cette annonce le jour où la France décidait, avec d’autres, d’intervenir en Syrie, il a profité d’un effet d’aubaine, si je peux m’exprimer ainsi.

HD. Sur le contenu, avez-vous été surpris ? À propos du non-recours à la CSG par exemple ?

T. L. Jamais Jean-Marc Ayrault n’a évoqué une hausse de la CSG pour financer les retraites. En revanche, c’était une suggestion du rapport Moreau, présenté par le premier ministre comme le socle des décisions gouvernementales.

HD. Considérez-vous que le projet annoncé comporte des avancées pour les salariés ?

T. L. Oui, sur la pénibilité par exemple, et je pense que la CGT y est pour quelque chose. La pénibilité est reconnue, des critères d’exposition a priori ont été définis et les entreprises vont devoir payer. Mais le projet s’en tient à un compte individuel, sans prise en compte suf-fisante du collectif et trop limité en termes d’anticipation de départ. Un salarié exposé pendant plus de 25 ans à au moins deux des dix facteurs de pénibilité retenus pourrait bénéficier de huit trimestres pour anticiper son départ en retraite, ou suivre une formation professionnelle de reconversion d’activité.

HD. Vous attendiez mieux sur ce sujet ?

T. L. Oui, en matière de prévention notamment. Si dans certains services publics, par exemple, le travail de nuit est indispensable, la plupart du temps, ce n’est pas vrai dans l’industrie. Mais si l’on ne renchérit pas le coût de la pénibilité pour les entreprises, elles ne feront aucun effort pour faire autrement. Cet objectif de prévention ne figure pas dans le projet. Et les avancées restent minimes par rapport aux six ou sept ans d’espérance de vie perdue par les salariés les plus exposés à la pénibilité. Ce d’autant plus que, parallèlement, la réforme prévoit un allongement de la durée de cotisation jusqu’à 43 ans. Sur les huit trimestres acquis au maximum au titre de la pénibilité, il y en a donc six perdus d’emblée ! Ce qui aboutira à un âge de départ en retraite de 62-63 ans, alors que le programme électoral de François Hollande prévoyait le retour à 60 ans et le droit au départ avant 60 ans pour ceux ayant effectué un travail pénible.

HD. Mettez-vous le gouvernement actuel sur le même plan que les précédents ?

T. L. Non ! Il y a une différence entre la gauche et la droite. Considérer que c’est la même chose, c’est permettre au Front national d’empocher la mise. Jamais la CGT ne jouera ce jeu. La pénibilité, l’égalité hommes-femmes... la droite n’a jamais voulu même en entendre parler. Avec ce gouvernement, tel qu’il est, les choses peuvent avancer, si l’on crée les conditions, le rapport de forces pour cela. Il faut aider la gauche à avoir une politique de gauche. C’est le sens de l’appel du 10 septembre. Il faut une irruption des salariés sur le terrain social. S’ils ne se mêlent pas de leurs affaires, en revendiquant, en faisant grève, en utilisant tous les moyens d’expression qui sont les leurs, leur condition n’avancera pas avec le travail de leurs seuls délégués... même s’ils sont adhérents à la CGT.

L’intégralité de l’entretien de Thierry Lepaon dans l’Humanité dimanche