Grèce : les salariés de la TV publique sonnés
Source : Reuters / AFP
Mis en ligne le 12 juin 2013
Les salariés des chaînes publiques grecques ERT, dont la diffusion a été arrêtée par le gouvernement mardi soir [11 juin 2013], continuent leurs émissions mercredi matin, accessibles sur internet. Les employés sont sous le choc.

"Nous avons un gouvernement qui rappelle plus la Roumanie de Ceaucescu qu’un gouvernement issu du vote du peuple", fustige Kalfayanis, président du principal syndicat de salariés.

Les 2655 salariés du groupe audiovisuel public grec ERT, dont la fermeture autoritaire a été décrétée sans préavis -et aussitôt mise en application- mardi soir, par le gouvernement grec sont sous le choc. A 20H11 GMT, les écrans des trois chaînes de télévision publiques sont devenus noirs et les chaînes ont cessé d’émettre, après une brève déclaration du porte-parole du gouvernement annonçant la fermeture immédiate des télévisions publiques accusées de mauvaise gestion scandaleuse.

"Tout est arrêté, la télé, la radio, le Choeur aussi et dans toute la Grèce, tout va s’arrêter aussi" s’emporte Constantin Zambounis, ténor dans le Choeur de ERT, venu devant le siège du groupe dans la banlieue nord d’Athènes pour ce qu’il pensait être une répétition du concert prévu vendredi. "Pour moi, ce n’est pas de la démocratie. C’est comme la junte (qui imposa sa dictature à la Grèce de 1967 à 1974, ndr), c’est l’opposé de la démocratie, nous n’avons été tenus au courant de rien", dit-il. Autour de lui, des gens arrivent de partout par vagues, journalistes, étudiants, militants politiques, ou simples voisins pour recueillir, hébétés, les dernières nouvelles et soutenir les salariés.

L’émetteur principal, situé sur le mont Hymette à l’est d’Athènes, qui a été neutralisé, privant d’un seul coup ERT de tout moyen de retransmission.Après l’extinction des écrans, l’assemblée est sous le choc. Les salariés continuaient toutefois leurs émissions mercredi matin, accessibles sur internet et sur un canal local prêté par le parti communiste.

Des taux d’audience faible, mais un grand respect dans le monde de la culture

Au sein de la chaîne, personne ne s’attendait à un lockout imposé de manière aussi expéditive à un groupe audiovisuel, qui connaît, certes, les pesanteurs du service public et des taux d’audience très bas, inférieurs à 10%, mais qui bénéficie d’un grand respect dans le monde de la culture.

Dans les couloirs, c’est la confusion. Jusque dans le couloir qui mène au bureau de Panayotis Kalfayanis, où des éclats de voix homériques font trembler les minces parois. Le président du principal syndicat de salariés se fait agonir d’injures par un de ses affiliés qui lui reproche de ne pas avoir protégé les émetteurs du mont Hymette. "Le gouvernement a de façon illégale et abusive coupé le signal des antennes de télécommunications alors qu’il n’en n’a ni le droit constitutionnel, ni l’autorisation via le conseil d’administration de la radiotélévision nationale" explique-t-il à l’AFP, en face de son écran tout noir.

Devant la porte, des chants aux accents révolutionnaires s’élèvent, certains du compositeur grec Manos Hadzitakis, lui même un salarié de ERT qui avait fondé le choeur. Les musiciens qui accompagnaient le choeur ont sorti leur instrument et un orchestre s’improvise sur les marches d’entrée.

Plus loin, le directeur général de la radio chez ERT, qui couvre 19 stations régionales, sept nationales et une radio qui émet dans le monde entier en grec, à destination essentiellement de l’importante diaspora répartie aux quatre coins de la planète, dit qu’il "s’attendait à quelque chose comme ça". "Une telle chose ne s’est jamais passée, même pas durant la dictature. Ils disent qu’ils vont rouvrir en septembre, mais rien n’est aussi permanent que le provisoire en Grèce", dit cet homme, Dimitris Papadimitriou, qui est aussi un compositeur connu en Grèce.

"C’est vrai, nous avons trop de gens dans certains secteurs, mais c’est uniquement parce que les gouvernements précédents ont fait entrer leurs protégés, des jardiniers dont nous n’avons pas besoin, cela n’a rien à voir avec nous". "La réaction du gouvernement est une réaction de panique, rien ne l’obligeait à faire ça, nous avons déjà vu le départ de 1000 personnes environ depuis le début de la crise, nos salaires ont été rabotés de 45% en moyenne, aucune privatisation ne pourra faire ce que nous faisons chaque jour" professe-t-il, avant d’expliquer son attachement viscéral à cette maison."Je suis né en Egypte, et la première fois que j’ai écouté du grec, c’était à la radio".