« Résister à la destruction des mécanismes de sécurité sociale »
Par JC Chailley - Introduction au débat de la 1ère table ronde des 9èmes Vendémiaires
Mis en ligne le 28 juin 2011

Introduction au débat de la 1ère table ronde :

- résister victorieusement à la destruction de la Sécurité sociale par le projet de « réforme de la dépendance des personnes âgées » ;

- donner à la Sécurité sociale le plein épanouissement auquel rêvaient ses fondateurs.

L’ordonnance du 4 octobre 1945 est au cœur du programme du Conseil national de la Résistance. Il affirme la primauté de l’intérêt général et s’en donne les moyens à travers le développement du secteur public et nationalisé, moteur de la politique industrielle et de recherche, les lois sociales, la Sécurité sociale :

« La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires… »

« La Sécurité sociale appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire. »

« Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité. »

Synthèse du « raisonnement » de Sarkozy et du MEDEF

• « …il nous faut inventer autre chose que le modèle traditionnel de couverture des risques par la Sécurité sociale  » (N. Sarkozy)

• Les personnes âgées ne deviennent pas toutes dépendantes, donc c’est un risque.

• C’est un phénomène « nouveau », de nature totalement différente.

• Donc c’est un nouveau risque, un 5ème risque.

• Il sera pris en charge en dehors de la Sécurité sociale, avec participation des compagnies d’assurance à la gouvernance.

• La crise est durable. Les finances publiques seront « exsangues » jusqu’en 2060 (sic). Le MEDEF, les entreprises ne pourront assumer le financement de la protection sociale.

• Donc au-delà d’un « socle » pour les plus démunis, il faut un financement spécifique complémentaire reposant essentiellement sur les ménages : assurances privées, CSG, …

• Pour faire des économies, il faut fermer 30 000 lits supplémentaires en hôpitaux publics, notamment en gériatrie, et continuer l’ouverture d’EHPAD (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) par les multinationales.

• Idem pour l’aide à domicile. Le MEDEF exige l’application totale de la directive services pour augmenter la part de « marché » des multinationales.

Avant d’analyser les termes du débat, trois remarques :

- Cette réforme ne repose PAS sur le caractère obligatoire des assurances, qui peut être abandonné.

- Le 5ème risque appelle les 6ème, 7ème, 8ème, … sous tous les prétextes.

- Le raisonnement sur la perte d’autonomie des personnes âgées vaut pour n’importe quelle hospitalisation…dans laquelle il y a une partie qu’on peut qualifier de dépendance. Cette réforme implique donc l’explosion des franchises médicales, la fin du 100 %, et d’autres assurances pour d’autres « risques ».

► C’EST UNE RÉFORME DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

• N. Sarkozy, 10 février : « …il nous faut inventer autre chose que le modèle traditionnel de couverture des risques par la Sécurité sociale. »

• F. Fillon, discours de politique générale : « Cette concertation nationale aura évidemment pour but immédiat de traiter de la question de la dépendance », …mais elle devra aussi « examiner les voies et moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part des régimes obligatoires et complémentaires, de diversifier les modes de financement. ».

• MEDEF, 20 propositions : « cette réforme ne peut être déconnectée de celle, urgente et annoncée par les pouvoirs publics, du financement de notre protection sociale. Elle doit même en être une première illustration. »

► UN « NOUVEAU RISQUE » MASSIF ?

• N’y a-t-il pas toujours eu des personnes âgées prises en charge par leur famille, les hospices au Moyen-âge, les hôpitaux ou maisons de retraite médicalisées ?

• 92 % des 14 millions de retraités sont autonomes.

• La « dépendance », pour ceux qui sont concernés avant décès, ne dure que 4 ans en moyenne.

• Pas de raz-de-marée démographique : on parle en général d’augmentation de 1,2 million de personnes touchant actuellement l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) moins que d’handicapés et invalides - à 1,4 ou 1,5 million en 2025 / 2030.

• Une véritable politique de prévention, de recherche, peut la réduire : « La plupart des maladies sources de dépendance et dites liées à l’âge ont des facteurs risques modifiables. » (Françoise Forette, professeure de médecine interne et de gériatrie à l’université Paris Descartes. Médecin à l’hôpital Broca)

Donc ce n’est PAS un « nouveau risque » ; il n’est pas et ne sera pas massif.

► MALADIE ET PERTE D’AUTONOMIE : politiquement incorrect !

C’est le fond du « débat national », …qui ne doit pas avoir lieu. Sarkozy et le MEDEF tentent d’imposer comme une évidence ne souffrant aucune discussion que la dépendance (ou la perte d’autonomie) n’ont aucun rapport avec la maladie.

Sinon on est dans la Sécurité sociale et même dans la BRANCHE MALADIE de la Sécurité sociale : la réforme devient politiquement indéfendable.

• Le rapport Gisserot (procureure honoraire près la Cour des comptes) compare la dépendance à un accident de voiture couvert par l’assurance automobile !

• Mais pour la professeure Françoise Forette « La dépendance est liée à la (aux) maladie(s), jamais à l’âge » .

• Dans les 1,2 million qui touchent l’APA il y a 850 000 Alzheimer. Qui peut nier que la perte d’autonomie est un symptôme de la maladie ?

► FAUT-IL INSTAURER UN 5ème RISQUE, UNE 5ème BRANCHE ?

(Branches actuelles : Maladie, AT / MP, AF, Vieillesse)

• Pour le MEDEF et Sarkozy – qui un temps voulait une 5ème branche qui siphonnerait l’assurance maladie –, répondre OUI est incontournable sinon il n’y a plus de réforme.

• De ce qui précède, on aurait tendance à répondre NON.

En tout cas ne faisons pas d’amalgame : des militants (j’en ai été), des organisations, se prononcent pour un 5ème risque, mais sans en déduire un financement par des assurances privées. Débattons- en fraternellement.

► LE 5ème RISQUE PREPARE LES 6ème, 7ème, …

C’est ce qu’implique le rapport Vasselle (mission d’information du Sénat) : « l’assurance dépendance constitue une assurance de personnes, par nature aléatoire ». N’est-ce pas le cas de la quasi-totalité des maladies ou handicaps ?

► LE FINANCEMENT

Les sommes – modestes – ne sont pas l’enjeu. Il s’agit :

- de créer un précédent en déconnectant le « risque dépendance » du financement général de la Sécurité sociale ;

- d’introduire, au-delà d’un « socle », des étages assurantiels appelés à se généraliser à toute la protection sociale ;

- réduire toujours davantage la part de la cotisation sociale patronale (salaire socialisé) au détriment des ménages appelés à compenser par l’impôt, la CSG, …

Les sommes en jeu sont modestes. Budget « dépendance » actuel : 22 mds €, dont 2/3 déjà pris en charge par la Sécurité Sociale. Budget retraites en 2011 : 202 mds € ; Budget Sécurité sociale : 450 mds €

L’UMP, le MEDEF, s’appuyant sur la crise ont des idées précises pour un financement » innovant » de ce « nouveau risque » :

- écarter « tout nouveau financement par les entreprises… »  ;

- divers étages et produits d’assurances au-dessus du « socle » ;

- « Solidarité nationale » : pour les plus démunis, le MEDEF et l’UMP acceptent charitablement que la solidarité nationale règle les polices d’assurance, à condition que ce soient les ménages qui paient : « Si un recours à la solidarité nationale devait malgré tout être envisagé, il ne saurait reposer d’une manière ou d’une autre sur les entreprises et le travail. Un impôt à assiette large, type CSG, devrait être privilégié, en cohérence avec un financement de la solidarité nationale par l’impôt. » (20 propositions du MEDEF) + rapport Vasselle.

• Attention : piège. Le rapport Rosso-Debord parlait d’assurance obligatoire dès 40 ou 50 ans. C’est devenu un symbole menaçant l’ensemble de la réforme. Comme elle ne repose pas dessus, le MEDEF, souhaitant conserver l’essentiel, déclare qu’il n’y « serait pas opposé. »

• Attention : piège. Si on considère que la perte d’autonomie doit être prise en charge par la Sécurité sociale, a fortiori par la branche maladie de la Sécurité sociale, il n’y a pas à avoir de débat spécifique sur le financement de la perte d’autonomie (débat qui en outre divise syndicats, partis, associations).

Sinon on entre dans le piège de quel financement pour quel risque, c’est l’atomisation de la sécurité sociale.

• Par contre, le débat sur le financement général de services public de qualité, de la Sécurité sociale, entre pleinement dans un choix de société.

► LE CALENDRIER ET LA STRATÉGIE

Le projet de loi doit être déposé en juillet, avec premières mesures dans le PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) à l’automne.

N. Sarkozy s’est engagé vis-à-vis du G20 qu’il préside, du Pacte pour l’euro qu’il a coélaboré. Il serait bien risqué de considérer que « la montagne va accoucher d’une souris » comme on l’entend souvent.

Il faut créer le rapport de forces maintenant. L’idéal serait qu’il n’y ait ni projet de loi ni mesures dans le PLFSS.

► PRISE EN CHARGE À DOMICILE, PRISE EN CHARGE EN ÉTABLISSEMENT - LES SERVICES PUBLICS

Il doit s’agir d’un vrai choix, non contraint par les impossibilités financières.

• Il faut refuser vigoureusement tout report sur les aidants (à 70 % des aidantes), chaudement recommandé par l’OCDE, la loi Bachelot, le MEDEF. Ce serait un recul historique pour les femmes, donc pour tous.

• Pour l’aide à domicile, il doit y avoir de véritables services publics, de qualité, à coût abordable, avec du personnel formé et correctement rémunéré.

• Doit-on continuer à accepter qu’on ferme des lits ou des hôpitaux publics pour les transférer aux EHPAD ? Un exemple le groupe ORPEA : 34 000 lits. Chiffre d’affaires triplé entre 2005 et 2010, +26 % au 1er trimestre 2011. Rentabilité opérationnelle : 14 % du chiffre d’affaires.

• L’intergénérationnel : la problématique couvre de la petite enfance au grand âge.

• Services à la personne, hôpital, logement, transport, médico-social, maisons de retraite… sont dans le champ – à débattre – des services publics. Salaires, retraites, partage des richesses… sont dans le débat sur le financement.

Ces deux dimensions seront abordées dans l’après midi.

► C’EST LA GRANDE OFFENSIVE LIBERALE CONTRE LA SECURITE SOCIALE

La droite, le patronat, n’ont jamais accepté la Sécurité sociale, fondée sur la solidarité et dont les 450 mds € échappent à la spéculation.

Les franchises médicales, les déremboursements, les dépassements d’honoraires, la loi Bachelot, la réforme des retraites, le projet de réforme de la « dépendance des personnes âgées »… suivent la même logique, totalement inscrite dans le Pacte pour l’euro qui vise à instaurer l’austérité à perpétuité.

• Faire des économies sur les budgets des services publics et de la protection sociale (RGPP…).

• Ouvrir le marché aux compagnies d’assurance, aux multinationales gérant les hôpitaux, les maisons de retraite médicalisées ou non, les services à la personne…

• C’est la baisse du pouvoir d’achat et la privatisation généralisées.

C’EST UN CHOIX DE SOCIÉTÉ. TOUS ENSEMBLE CONTRE LA RÉFORME DE LA « DÉPENDANCE » !

TOUS ENSEMBLE POUR SAUVER ET DÉVELOPPER LA SÉCURITÉ SOCIALE !