Etats-Unis : Nouveau succès du président après l’assurance-santé
Source Le Monde.fr
Mis en ligne le 16 juillet 2010
Et de trois. Après le plan de relance de février 2009, et la réforme de l’assurance-santé de mars 2010, Barack Obama a réussi, jeudi 15 juillet, à faire passer au Congrès une autre de ses priorités : la réforme de la régulation financière, un dossier dont les deux chambres débattaient depuis plus d’un an. Le président américain peut se vanter d’avoir abouti au vote d’un texte avant ceux qui le critiquaient pour le manque d’ambition de ses propositions, notamment parmi ses partenaires européens du G20.

Les débats n’ont pas donné lieu à un affrontement aussi titanesque que pour la bataille sur l’assurance santé. Nombre de républicains jugeaient difficile, dans un climat populiste hostile aux banques et aux profiteurs de crise, de s’opposer fondamentalement à une réglementation accrue.

Trois d’entre eux ont voté avec les démocrates pour faire échec à la manœuvre d’obstruction (filibuster") de leurs collègues. Il s’agit des sénatrices modérées de Nouvelle-Angleterre, Olympia Snowe et Susan Collins, et de Scott Brown, le "tombeur" de Ted Kennedy dans le Massachusetts, qui a montré qu’il ne craint pas de décevoir une nouvelle fois ses ex-alliés des Tea Parties.Pour obtenir son ralliement, les auteurs du texte ont accepté de supprimer des prélèvements bancaires à hauteur de 19 milliards de dollars (14,7 milliards d’euros).

Comme dans le cas de l’assurance-santé, le texte a profondément divisé les démocrates. L’aile gauche du parti lui reproche de laisser trop de latitude aux régulateurs fédéraux pour s’accommoder des 2 300 pages du texte, alors qu’ils n’ont pas réagi aux signaux avant-coureurs de la crise de l’automne 2008. Le sénateur Russ Feingold (Wisconsin) a préféré voter contre, alors que la majorité démocrate s’était déjà amenuisée en raison du décès du doyen de l’institution, Robert Byrd (Virginie-Occidentale).

Aussitôt après le vote, Mitch Stewart, le directeur de Organizing for America (le mouvement de campagne de M. Obama aujourd’hui fusionné avec le comité directeur du Parti démocrate), a envoyé un e-mail aux militants : "On a gagné, a-t-il proclamé. En un an et demi, cette administration a fait des avancées plus grandes et plus audacieuses qu’aucun président depuis des décennies."

COMMUNICATION DÉFAILLANTE

M. Obama a été moins triomphaliste. Jusqu’à présent, il n’a pas engrangé de points du fait de sa persévérance. Le dernier sondage ABC/Washington Post, publié le 13 juillet, montre même que le soutien dont il bénéficie s’est remis à décliner : 43% seulement des électeurs approuvent sa gestion de l’économie. Six sur dix ne lui font pas confiance pour "prendre les bonnes décisions". Selon une autre enquête (NBC/Wall Street Journal), 62% des Américains trouvent que le pays va "dans la mauvaise direction", le pourcentage le plus élevé depuis l’élection de 2008.

Dans une interview à NBC, le président a reconnu lui-même que sa situation politique est peu enviable et que ses réformes pèsent peu tant qu’elles n’améliorent pas l’emploi. Il a admis que son parti risque de payer le fait que le chômage reste à près de 10% à trois mois et demi du renouvellement du Congrès. "Il n’est pas besoin d’être un analyste pour savoir que si le chômage est à 9,5 %, le parti au pouvoir va avoir des problèmes", a-t-il dit.

A l’approche du scrutin, la tension monte dans le camp majoritaire. Robert Gibbs, porte-parole de la Maison Blanche, a été pris à partie par Nancy Pelosi – qui risque de perdre son poste de première femme speaker de la chambre – pour avoir admis pendant l’émission télévisée "Meet the Press" qu’il était fort possible que les démocrates perdent la majorité. Il a dû se défendre de tout défaitisme en rappelant que, de l’avis général, 60 sièges sont disputés, alors que les républicains n’en ont besoin que de 39 pour gagner la majorité.

L’administration Obama pâtit d’une communication défaillante. Mercredi, la chambre de commerce a organisé un sommet sur l’emploi juste en face de la Maison Blanche. Elle y a abondamment défendu l’idée qu’elle propage sur tous les dossiers, à savoir que les réglementations prônées par le président sont préjudiciables à l’emploi. Pour allumer un contre-feu médiatique, la Maison Blanche a organisé à la hâte une rencontre de M. Obama avec l’ancien président Bill Clinton et l’investisseur Warren Buffett autour de la question des petites entreprises et des solutions pour les inciter à avoir confiance et à embaucher.

Corine Lesne – Le Monde.fr