Dévaluation et hausse des salaires
Par A. GELY - Article publié dans le n° 84 de "Résistance Sociale"
Mis en ligne le 15 juillet 2010
Certains économistes proposent une dévaluation qui s’accompagnerait d’une augmentation des salaires. Le chiffre de 20 %, pour la dévaluation comme pour la hausse des salaires, a été avancé par Patrick Artus. Il est vrai que l’actuelle surévaluation de l’euro est destructrice de l’industrie française et européenne et que la nécessité d’une dévaluation pourrait s’imposer. Or, en général, une dévaluation s’accompagne de mesures d’austérité. En sont presque toujours victimes les salaires au moment où les prix importés augmentent fortement, source dehausse du coût de la vie. Or, la lutte contre le chômage et les inégalités - en France et en Europe - nécessite une hausse des salaires et non une baisse de leur pouvoir d’achat !

C’est mieux que de préconiser une dévaluation sans augmentation de salaires, cas le plus fréquent.

Il est bon que des économistes qui ne nous y avaient pas habitués soient désormais convaincus de la nécessité de hausses de salaires, y compris en cas de dévaluation. Mais encore faut-il qu’il y ait véritablement une hausse des salaires. Ce n’est pas évident pour deux séries de raisons.

Tout d’abord, il convient de signaler qu’une hausse des salaires de 20 % qui accompagnerait une dévaluation de 20 % par rapport au dollar, cela impliquerait une baisse des salaires en dollars de 4 % puisque 1,2 * 0,8 = 0,96 et non 1. Si la dévaluation est suivie d’une forte inflation (de 25 %), les salaires risquent donc d’être bouffés par la hausse des prix.

Mais, il faut aussi et surtout que cette hausse de salaires soit effective et non seulement préconisée... Cela nécessiterait un changement politique radical qui ne se dessine pas dans le cadre européen actuel, c’est le moins que l’on puisse dire !

Le risque est donc sérieux que la dévaluation soit, elle, bien réelle. et que la proposition de hausse des salaires reste lettre morte, si les les gouvernements ne veulent l’imposer et si les salariés ne le peuvent pas… Il reste aussi à déterminer comment cette dévaluation (de l’euro ? de monnaies qui se détacheraient de l’euro ??) serait obtenue puisqu’elle n’est pas compatible avec les institutions européennes actuelles.

Bref, ainsi formulée, cette idée plutôt bonne d’une dévaluation avec hausse des salaires serait une mauvaise idée, du point de vue des salariés, des retraités et des autres personnes à petits revenus sociaux, si on ne rompt pas avec les politiques libérales actuellement conduites en France et en Europe.

Encore un effort, donc, messieurs les économistes et politiques qui disent souhaiter une revalorisation des salaires !

Alain Gély

Vous trouverez en document joint un fichier Excel réalisé par Alain Gély, dans lequel il décortique tous les effets d’une dévaluation, expliquant en quoi une dévaluation peut être "ratée" et une autre "réussie".

Documents joints