Droit du travail : quand la frénésie s’empare du gouvernement
Par Yves MESCOFF
Mis en ligne le février 2007
On l’avait déjà vu avec le CNE (contrat nouvelle embauche), adopté en plein mois de juillet 2005, ou avec le CPE (contrat première embauche), décidé par le gouvernement et sa majorité sans la moindre concertation avec les organisations syndicales. Voilà que le gouvernement, à seulement quelques semaines des élections présidentielle et législatives, s’apprête à récidiver en adoptant un décret mettant en œuvre la première partie de la recodification du droit du travail.

A droit constant, assure Gérard Larcher, ministre du travail. Pourquoi donc, alors, cette précipitation ? Ne serait-ce pas parce qu’en réalité cette recodification vise à modifier quelques règles importantes de notre droit du travail, dans le droit fil des « allégements » tant réclamés par la sainte patronne du MEDEF ?

Au risque d’être accusé de parti-pris, on me permettra de pencher plutôt pour le second scénario, plus conforme à ce auquel le gouvernement nous a habitués depuis cinq ans.

La droite et le MEDEF ne cessent de nous vanter les mérites de la flexibilité, censée permettre une diminution du chômage, et de nous dire que le contrat à durée indéterminée est un frein à l’emploi. Pourtant, elle vient elle-même de s’infliger un cinglant démenti en reconnaissant que le contrat nouvelle embauche avait produit deux fois moins d’emplois que prévu ! Quant au chômage, malgré les statistiques officielles, on peut douter qu’il ait vraiment baissé au cours de ces cinq dernières années. Ce n’est pas en radiant administrativement les demandeurs lassés de frapper vainement à la porte des ANPE qu’on diminue le nombre de chômeurs réels !

Malgré les affirmations péremptoires comme celles entendues lors de la campagne pour le traité de Maastricht (la mise en place de l’euro devait créer 3 millions d’emplois, on les attend toujours), jamais la droite et le MEDEF n’ont réussi à nous démontrer par la preuve que la flexibilité était créatrice d’emplois. Au contraire !

Alors, non, décidément, je ne peux pas me réjouir de cette recodification prochaine du droit du travail même si, pour le juriste que je suis, un tel travail me semble indispensable. Mais encore faut-il qu’il soit fait dans la transparence, en concertation avec les partenaires sociaux et qu’il soit mené par un gouvernement et une majorité parlementaire ayant reçu un mandat explicite du peuple, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui.

Paru dans la rubrique « coup de gueule ? » du mensuel de Résistance Sociale n°45, février 2007