La liste des 54 hôpitaux menacés en France
Source Le JDD.fr
Mis en ligne le 12 juillet 2010
Le ministère de la Santé va publier des décrets qui condamnent des services de chirurgie et des maternités en France pour activité insuffisante. Ces hôpitaux ont trois ans pour corriger le tir.

Le grand Monopoly hospitalier commence. Cinquante-quatre établissements de métropole et d’outre-mer, dont Le Journal du dimanche dévoile la liste en exclusivité, pourraient être contraints de fermer leur bloc opératoire d’ici à trois ans. Les décrets que le gouvernement s’apprête à publier dans les premiers jours d’août les condamnent. Pour maintenir un service de chirurgie, les hôpitaux devront avoir totalisé une moyenne de 1.500 séjours annuels entre 2007 et 2009. Avec moins de 600 actes, Saint-Claude (Jura), Nemours (Seine-et- Marne), Ruffec (Charente) voient leur avenir compromis. Désormais, pour se faire poser une prothèse du fémur, enlever l’appendice ou la vésicule, les patients de ces départements devront effectuer plusieurs dizaines de kilomètres. Saint-Jean-de-Maurienne, en région Rhône-Alpes, Riom en Auvergne, avec des taux d’activités juste en dessous du nouveau seuil, devraient négocier une poursuite d’activité mais en acceptant un partenariat avec une clinique ou un autre hôpital.

"Dans certaines spécialités, on envoie des patients se faire traiter au Japon, explique un conseiller du ministère de la Santé, un rien agacé. La médecine est de plus en plus spécialisée, alors on peut bien faire une heure de route pour soigner sa cataracte… D’ailleurs, la plupart des patients bien informés ont déjà déserté ces endroits-là." En consultant les fichiers de la Caisse primaire d’assurance-maladie, les pouvoirs publics ont en effet remarqué que les "taux de fuite" sont d’autant plus importants que le niveau d’activité est faible. "Lorsque vous constatez que 70% à 80% de la population résidant dans le bassin d’activité de l’hôpital préfère aller ailleurs, c’est qu’il y a un gros problème. L’hypocrisie empêche de dire que seules les personnes les plus démunies continuent à s’y rendre. Les élus qui protestent contre les fermetures n’en sont généralement pas", dénonce un spécialiste.

"La question est suffisamment compliquée pour que l’on évite les provocations politiques"

La suppression d’un service de chirurgie, qui compromet fortement l’activité d’une maternité, est toujours un traumatisme pour une ville. Dans la Creuse, la fermeture du service de radiothérapie de Guéret le 30 juin dernier a provoqué une mini-révolution. Le maire UMP de la commune et les élus communistes de son conseil municipal ont ferraillé comme des chiffonniers pour son maintien. Ils sont allés devant les tribunaux et ont même organisé une manifestation qui a rassemblé environ un millier de personnes. Assez inhabituel pour la tranquille préfecture !

Carhaix et Pithiviers se sont également rebellés pour conserver leur maternité. Le sujet est suffisamment sensible pour que le cabinet de Roselyne Bachelot ait peaufiné les nouvelles règles d’exercice durant de longues semaines. Une première version, jugée trop "dure", a été corrigée il y a quelques jours. Le couperet de 1 500 séjours annuels a été levé. Les services qui dépassent 70% de l’objectif ont en effet trois ans pour améliorer leur score ou s’associer à un autre établissement. Ce délai a également le mérite d’offrir un répit aux élus avant trois élections importantes, les cantonales à l’automne 2011, la présidentielle et les législatives en 2012. "La question est suffisamment compliquée pour que l’on évite les provocations politiques", reconnaît- on à la Fédération hospitalière de France. "Ces services sont souvent dirigés par des chirurgiens âgés qui prendront leur retraite dans les trois ans, explique avec cynisme un directeur d’hôpital. Comme on ne leur trouvera pas de remplaçants, l’activité s’arrêtera faute de combattants. Cela évitera des bras de fer inutiles."

Tentées de conserver les patients rentables

Dans le grand mercato qui s’annonce, les syndicats de personnels hospitaliers, CGT et SUD en tête, ainsi que de nombreux directeurs d’hôpitaux redoutent que les cliniques ne remportent la mise. Les associations public-privé risquent en effet de leur profiter car elles pourraient être tentées de conserver les patients rentables, en multipliant les opérations de routine très rémunératrices, et de renvoyer les autres vers l’hôpital. Une pratique courante selon un médecin de Seine-Saint-Denis : "C’est déjà le cas dans les services d’urgence de certaines cliniques. On garde les malades qui nécessitent de nombreux examens et on renvoie vers l’hôpital du coin ceux qui ont des pathologies lourdes et incurables ou dont l’état est peu stable."

Lors d’un récent symposium à Malte, l’un des premiers réseaux de cliniques privées français a ainsi organisé une formation pour apprendre aux infirmières à "optimiser" chaque patient. En clair, à bien choisir les cas et actes les plus rémunérateurs… Pour faire accepter la réorganisation de la carte hospitalière, le gouvernement devra veiller à ne pas se laisser prendre en otage par le privé. "Notre souci, c’est l’intérêt général et la sécurité des patients", riposte le député de la majorité et président de la Fédération hospitalière de France (FHF) Jean Leonetti.