Nouveau cas de suicide à l’hôpital Tenon
Source Le Parisien
Mis en ligne le 8 juillet 2010

Oumar Diakite allait fêter ses 35 ans le 31 juillet. Le 4 juin dernier, cet ouvrier plombier, employé et logé depuis huit ans par l’hôpital Tenon, dans le XXe arrondissement de Paris, a mis fin à ses jours en se jetant sous une rame de métro après avoir déposé ses quatre enfants à l’école.

Une semaine plus tôt, le 27 mai, Jean-François, 51 ans, aide-soignant dans le même hôpital et délégué du syndicat SUD-Santé, se suicidait par pendaison. Deux drames qui font suite à la mort en août 2009 d’un infirmier anesthésiste de 36 ans, Gérald, puis de celle d’un aide-soignant au service de réanimation en novembre. Tous ont mis fin à leurs jours. Terrifié à l’idée d’aller travailler Après le dernier drame, l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris) a mis en place une cellule de soutien psychologique.

Difficultés personnelles ? Malaise professionnel ? La direction affirme qu’aucun des hommes n’a expliqué son geste et fait état de « situations personnelles difficiles ». Mais le frère d’Oumar, lui, décrit le « calvaire » qu’aurait subi durant plusieurs années l’ouvrier plombier, en proie selon lui à « d’insupportables pressions » exercées par son entourage professionnel. Il vient d’écrire au procureur de la République, à qui il a transmis des lettres et carnets dans lesquels son frère témoigne de son malaise. « Dès son arrivée, on lui a mis des bâtons dans les roues, poursuit le frère. Les brimades sont allées crescendo en 2009. » Victime à cette époque d’un accident du travail, Oumar est en arrêt maladie. « Son retour a été terrible, soutient son frère : on a exigé de lui, au mépris de la loi, qu’il récupère les gardes non effectuées durant son congé. Il s’est soumis pour ne pas avoir d’ennuis car il avait peur de perdre son emploi. » Convocations quasi quotidiennes, remarques désobligeantes, critiques et mépris affichés ...

De plus en plus isolé, Oumar sombre : « Je ne veux plus être terrifié à l’idée de me rendre à mon travail », écrit-il le 24 juin 2009 au directeur de Tenon. Des courriers comme celui-ci, le plombier en a rédigé beaucoup, tout comme il a multiplié les visites à la médecine du travail, chez le psychologue, l’assistante sociale, à la recherche de réconfort. Acculé, il noircit chaque soir des pages scrupuleusement datées où il fait état de son désespoir : « Il consignait tous les événements, les intimidations, souffle son frère, qui n’a découvert ces écrits qu’au décès d’Oumar. Je ne pensais pas qu’il était dans une telle souffrance », murmure-t-il. Et puis soudain, tout bascule : Jean-François le syndicaliste, son ami et unique soutien au sein de l’hôpital met fin à ses jours le 27 mai. « Oumar n’a pas supporté son décès, confie une représentante de SUD-Santé. Ces trois derniers drames étaient peut-être liés à des problèmes personnels, mais également professionnels. Nous avons fait remonter tout cela à la direction, mais le personnel a bien du mal à remonter la pente ... »

Cécile Beaulieu, Le Parisien