Sursis de 5 ans pour la maternité de Valréas : victoire contre Bachelot et l’ARS !
Communiqué de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité
Mis en ligne le 5 juillet 2010

Valréas a gagné à nouveau au tribunal contre Mme Bachelot et l’ARS. Ils obtiennent un sursis de 5 ans.

Et pourtant un pouvoir sourd, aveugle, et psycho-rigide fait appel !!! En tout cas bravo au Comité local, et à tous ses soutiens. Belle soirée de mobilisation du 29 juin 2010, chaleureuse et construite en profondeur. Et beau texte de leur avocat Jacques PERTEK qui m’autorise à le reproduire. Très belle lecture.

Fraternellement,

Michel Antony (président de la Coordination nationale)

Intervention de Me Jacques PERTEK à la réunion-débat du 29 juin à Valréas

Le texte prononcé peut être légèrement différent

J’aimerais pouvoir vous dire ce soir que la bouteille que nous offre Mme Bachelot est pleine et que c’est un magnifique succès, sans précédent en France…

On pourrait alors se féliciter, et boire de bon cœur.

On pourrait tranquillement attendre la naissance du premier bébé dans cette nouvelle maternité à nouveau en activité.

Ce serait un soulagement pour les futures mamans, et les futurs papas.

Ce serait la fin d’une période très dure pour le personnel de la maternité, malmené, menacé, transféré depuis des mois.

On pourrait se féliciter, se congratuler … mais on ne peut pas.

Nous avons obtenu une belle victoire le 12 mai au TA de Nîmes – c’est la bouteille à moitié pleine.

Une très bonne décision, avec tout ce qu’il faut, dont on ne pouvait pas espérer mieux.

Mais, pour le reste…

A la sortie de la réunion de vendredi, on nous a dit : victoire, l’autorisation est signée pour 5 ans.

Mais on a juste oublié d’ajouter : la Ministre a décidé de faire appel – c’est la bouteille à moitié vide

C’était pourtant la première phrase du discours du directeur de l’ARS.

Je n’y étais pas, mais la pièce était bien sonorisée, et il y avait de petites souris…

La préparation que nous a concoctée la pharmacienne ministre des sports, et accessoirement ministre de la santé, est étrange.

Elle est fluo, comme les chaussures qu’elle portait avant l’épidémie de grippe et son opération vaccin.

Mais, cette mixture, il ne faut pas essayer de la boire : c’est une potion amère et, je le pense, empoisonnée.

L’appel contre notre jugement de Nîmes, çà bouleverse tout.

Je suis désolé de dire que je l’avais prévu, et j’avais fait part de mes préoccupations au cours des réunions récentes du Comité ou du Collectif des mamans.

Il y avait trois pièges, trois entourloupes possibles.

1/ Le premier piège, c’était l’appel – l’appel conjointement avec l’autorisation d’activités, pour faire semblant de respecter les décisions de justice que nous avons obtenues.

Une procédure d’appel, c’est deux ans. Deux ans de précarité, encore et toujours.

2/ Le 2ème piège, c’était l’exigence de ne pouvoir recruter que des personnels titulaires – et non, dans un premier temps au moins, des agents contractuels (je ne dis pas des vacataires ou des contrats avec des agences d’intérim).

Pourtant, partout il y a des contractuels, à Orange, à Montélimar et ailleurs – vous les retirez et beaucoup de services ou d’hôpitaux peuvent s’arrêter.

Les mêmes qui travaillent à Montélimar ou à Orange seraient-ils de dangereux incompétents s’ils viennent effectuer une partie de service à Valréas ? Ils ont même osé parler de mercenaires hongrois

On nous fait le coup de la sécurité.

Qui plus que nous est soucieux de la sécurité ?

Mais, justement, la sécurité, ce n’est pas l’accouchement à la ferme, ou dans la voiture ou au bord de la route.

Pendant des années, la maternité a fonctionné avec des anesthésistes contractuels. Plus de 300 accouchements par an, depuis des années, auraient-ils été réalisés par de dangereux incompétents ? Si c’était vrai, alors l’ARH et le ministère seraient, eux d’abord, de graves dangers. Car cela ne les gênait pas, eux qui découvrent maintenant le besoin de sécurité ?

Et le service des urgences de Valréas, avec quels personnels a-t-il fonctionné depuis bien longtemps ? Et aujourd’hui, est-ce qu’il ne fonctionne pas avec du personnel d’Orange ?

Mieux encore, ceux qui découvrent les vertus des fonctionnaires titulaires sont allés embaucher des sages-femmes vacataires, parfois déjà en retraite, pour faire leur soi-disant « accouchements inopinés à domicile » - vous savez les accouchements pour lesquels une sage-femme dans sa petite Clio doit trouver l’adresse avec le GPS.

3/ Le 3ème piège, c’était la durée : un an, deux ans, ou cinq ans fractionné – c’est ce qu’ils pouvaient inventer.

Ce troisième piège, ils ne l’ont pas utilisé en tant que tels, mais le résultat est bien le même.

Le directeur de l’ARS a dit : attention, il y aura un nouveau plan régional à l’automne 2011, et « tout sera remis à plat » - je cite ses paroles.

Voilà les 5 ans annoncés qui fondent comme neige au soleil – et qui se transforment en à peine un an.

En réalité, c’est surtout la combinaison des 3 éléments qui est insensée et malhonnête.

Comprenons nous bien :

- l’appel contre le jugement de Nîmes nous met en difficulté

au mieux, on remettrait en route l’activité début 2011 (après 18 mois de fermeture) : c’est leur schéma, car cela résulte des procédures de recrutement de médecins titulaires et, déjà, vers juin 2012, il faudrait peut-être s’arrêter si on perdait en appel. Vous me direz, on peut gagner – aussi – en appel. Oui, c’est vrai, mais alors, le ministère pourrait encore faire un recours, en cassation cette fois ;

- mais ce n’est même pas ce calendrier qui est le plus dangereux et le plus probable. Le plus probable, c’est qu’il soit très difficile ou impossible de trouver des candidats médecins titulaires.

On parle de médecins qui en général ont un poste (c’est une mutation), pas de jeunes à la recherche d’un emploi – en effet, chaque année, il y a peu de nouveaux gynécos ou de nouveaux anesthésistes, et ceux-ci recherchent plutôt les grands hôpitaux, les CHU.

Imaginez : un gynéco ou un anesthésiste en poste dans un grand hôpital, ou même un petit. Il a envie de soleil et de calme, çà existe. Mais est-ce qu’il va poser sa candidature pour un poste un Valréas qui risquerait d’être supprimé par une nouvelle décision judiciaire dans deux ans ? en tout cas, c’est ce qu’il peut craindre.

Bien sûr, dans ce cas, ce médecin ne se retrouverait pas au chômage, mais il devrait chercher un nouveau poste, n’importe où en France.

Les fonctionnaires aiment la sécurité de l’emploi, c’est leur principal avantage, et même s’ils veulent venir en Provence, ils ne manquent pas d’autres possibilités, de Nice à Marseille.

Et, avec des procédures différentes, on pourrait dire la même chose pour des sages-femmes, dont on a également besoin.

Donc, ce n’est même pas 2 ans sans garantie d’avenir que l’on nous offre : c’est véritablement une illusion, c’est du vent.

Appel contre la décision de Nîmes, c’est la principale menace pour l’avenir.

Si Mme Bachelot renonce à son appel, ce sera long et incertain.

Avec l’interdiction de recruter, dans un premier temps, des contractuels, on pourrait s’arranger. Car cette contrainte que l’on veut nous imposer est illégale. L’excellent jugement de Nîmes le dit noir sur blanc.

Mais, si nous ne parvenons pas à la faire renoncer à son appel, les 5 ans sont un feu de paille ou un feu de bengale.

Comprenons bien que l’on nous raconte des histoires ici aussi : le ministère ferait appel pour obtenir des « clarifications » … Si un étudiant de 2ème année de droit disait cela à l’examen, il serait recalé, et il l’aurait mérité.

Vous n’êtes pas obligés.

Vous le savez, après un jugement, le perdant fait appel ou non. S’il fait appel, ce n’est pas pour la gloire du droit. Il fait appel pour demander l’annulation du jugement qui lui déplaît.

Et s’il obtient satisfaction, ce jugement n’existe plus.

Un appel, c’est une procédure devant une autre juridiction (une cour administrative d’appel) en vue de l’annulation du premier jugement.

Ce n’est pas une espèce de consultation que l’on demande à la deuxième juridiction : c’est un autre procès qui se déroule.

Dans notre cas, le Ministre fait appel, et c’est pour supprimer le jugement de Nîmes qui nous a donné raison et qui l’a obligé à donner l’autorisation :

Donner d’une main, retirer de l’autre.

Vous n’êtes pas obligés de me croire.

Mais enfin, permettez-moi d’indiquer que, parmi mes activités, depuis une dizaine d’années, il y la formation des futurs juges des juridictions administratives, ceux des tribunaux et ceux des cours d’appel.

D’ailleurs, le directeur de l’ARS l’a déclaré tout net :

« Le cabinet de la ministre a décidé de faire appel (…) sur un point de droit précis (…) ceci pour faire jurisprudence » (ce sont ses paroles).

Et ce point, c’est un point essentiel du jugement de Nîmes : les règles concernant le statut du personnel dans une maternité moyenne.

Ils veulent faire jurisprudence, vous pouvez le croire.

Jurisprudence contre nous. Et parce le jugement de Nîmes pourrait les empêcher de fermer d’autres maternités comme la nôtre.

Encore une fois, ce n’est pas la crainte de perdre en appel que j’exprime.

C’est la conviction que cet appel est de nature à réduire très sensiblement la possibilité d’avoir des candidats sur les postes à pourvoir – ou même à conduire à ce qu’il n’y ait pas de candidats.

Voilà pourquoi il est important que les élus qui en sont d’accord signent nombreux cette lettre à la Ministre :

Mme Bachelot, renoncez à faire appel.

Que faire encore ?

D’abord, il faut dire la vérité, après avoir bien apprécié la réalité.

Ensuite, il faut garder son calme. Garder son calme, pour agir efficacement.

Où en serait-on s’il n’y avait pas eu les manifestations ?

Où en serait-on s’il n’y avait pas eu l’occupation de la maternité, pendant 90 jours ?

Où en serait-on s’il n’y avait pas eu les actions à Marseille et à Avignon ?

Depuis longtemps déjà, on ne parlerait plus de nous.

Et on aurait une plaque commémorative : « ici autrefois il y eut une maternité et des naissances ».

L’action populaire, citoyenne – encore et toujours - sera notre meilleure réponse :

Il faut montrer que nous, nous ne renonçons pas.