Pour des avancées fondamentales sur des services publics et communs Depuis le plan local et régional
Par Paul Boccara
Mis en ligne le 30 mai 2010
Face à la radicalité de la crise du capitalisme et du libéralisme, nous avons besoin d’une expansion extraordinaire des services publics. Or, leur défense et leur progression seraient possibles depuis le plan local et régional. Et cela pourrait contribuer à une autre construction au plan national et au plan européen. Et même par là au mondial. D’où, la grande portée de cette question cruciale des services publics, au carrefour de toutes les solutions à la crise systémique de la civilisation occidentale mondialisée.

D’énormes masses de fonds ont été injectées par la Banque Centrale Européenne et aussi par l’État avec son endettement, pour soutenir les banques et l’activité capitaliste. Mais cela, pour relancer les mêmes gestions et politiques, favorisant la spéculation et la rentabilité financières, et non la vie des populations. Aussi, tandis qu’a éclaté la crise de l’euro et des surendettements publics européens, une rechute ultérieure plus grave se prépare, alors que la reprise de la croissance reste faible dans l’Union européenne. Elle est accompagnée de la persistance du chômage massif, de la précarisation des emplois, et surtout des pressions sur les dépenses publiques sociales en opposition aux besoins formidables d’expansion de services publics transformés. Défis de novation des services publics Ces besoins sont liés à la révolution technologique informationnelle, aux exigences écologiques sans précédent, et aussi aux révolutions parentales (avec l’émancipation des femmes), à la révolution démographique (de la longévité et du vieillissement), à la révolution migratoire des populations du Sud vers le Nord, etc. En outre, les dépenses accrues pour les services publics peuvent contribuer à une demande importante pour les productions et donc à soutenir l’emploi suffisamment, malgré les pressions d’économie de travail de la productivité croissante, avec un nouveau type de productivité fondé sur le développement des êtres humains. On devrait articuler les luttes de défense de services publics et pour de premières réponses aux besoins urgents, à des avancées vers une promotion sans précédent des services publics pour une autre vie sociale et comme solution fondamentale à la crise du capitalisme mondialisé. Pour les services publics existants, on assiste à la marchandisation, la privatisation, l’ouverture à la concurrence, l’emprise de la rentabilité financière sur les gestions, aux pressions contre les dépenses, avec notamment la volonté de suppression d’un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite, aux pressions sur les conditions de travail. Mais ces régressions fondamentales s’appuient sur les conditions nouvelles au plan technique et sur certaines progressions particulières. Aussi, les luttes de résistance des usagers et des personnels doivent s’appuyer sur les aspirations et besoins nouveaux, pour des avancées alternatives allant vers des transformations radicales de progrès. En effet, les régressions et les privatisations tendent souvent à répondre à la montée considérable, mais jugée intolérable pour l’État et les marchés financiers, des besoins et des dépenses nécessaires. Alors que cela exigerait d’autres types de financement et d’efficacité des dépenses. Ainsi, en France, les dépenses de santé, publiques et privées, sont passées, en raison notamment des exigences du progrès technique des thérapies ou encore des besoins du vieillissement, de 5,6 % du PIB en 1970, à 9,1 % en 1991 et environ 11 % en 2008. Cependant on s’efforce de fermer des hôpitaux publics de proximité pour favoriser les groupes privés et on augmente les dépenses pesant sur les ménages, aux ressources limitées. Entre 2001 et 2009 le budget santé des ménages aurait augmenté de 40 %, tandis que les dépenses de santé seraient couvertes à 76,9 % par la sécurité sociale, à 13,7 % par les complémentaires privées, à 9,4 % directement par les ménages. Une promotion des services publics et de leur financement La promotion des services publics concernait bien sûr les services classiques : l’éducation, face notamment à la réforme des lycées, à celle de l’enseignement supérieur et de la recherche ; la santé, avec notamment la riposte au projet de réforme et de réduction des hôpitaux publics, le logement social, aux insuffisances considérables, le transport, notamment les transports régionaux de voyageurs, la poste, la recherche publique la sécurité, l’information. Cependant, on viserait aussi des transformations fondamentales, comme avec un service public de sécurisation de l’emploi et de la formation. On instituerait un nouveau service public du crédit et de la création monétaire,depuis des Fonds publics régionaux, un Pôle public financier national, une autre BCE, qui pourrait être articulée à un Fonds de développement social et aussi un FMI refondu. On organiserait un service de planification stratégique et incitative, décentralisée, pour la politique industrielle et de services et pour de nouvelles gestions, un service d’incitation à des coopérations internationales pour le co-développement. On instituerait enfin des services tout à fait nouveaux : pour l’écologie, pour la petite enfance, pour les personnes âgées (bien au-delà de la seule dépendance), avec la promotion des activités sociales hors travail tout le long de la vie. L’ampleur des besoins de financement renvoie d’abord à des prélèvements publics et sociaux accrus, à l’opposé de leur réduction pour les riches et pour les entreprises, comme avec la suppression de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales contre leur apport aux services publics. Cet accroissement irait de pair avec des variabilités incitatives : relèvement de l’impôt sur le revenu pour les couches les plus riches, élévation de l’impôt sur les sociétés, d’autant plus que le bénéfice n’est pas utilisé pour l’investissement réel, élévation des cotisations sociales patronales, d’autant plus que les dépenses salariales sont faibles en pourcentage de la valeur ajoutée, par rapport à la moyenne de la branche. Mais, l’augmentation très importante des dépenses des services publics peut aussi s’appuyer sur une modification des règles de la Banque Centrale Européenne. Celle-ci devrait prendre des titres de dette publique grâce à sa création monétaire, à l’instar de la Federal Reserve des États-Unis ou de la Banque d’Angleterre, mais avec affectation aux différents services publics. Cette question très importante de la création monétaire est largement méconnue ou négligée . Elle s’effectuerait en liaison avec l’ affectation des fonds publics nouveaux aux services publics nouveaux pour un nouveau développement, par un Fonds de développement social européen, internationaliste et de démocratie participative et d’intervention. De nouveaux pouvoirs partagés avec les usagers Une transformation fondamentale, de portée révolutionnaire, devrait concerner les pouvoirs depuis les services publics, les entreprises, les localités. Cela se rapporte à de nouveaux pouvoirs de coopération créatrice des usagers, directs ou indirects comme les parents, avec tous les personnels. Ainsi, un malade à l’hôpital, au lieu d’être traité comme un objet passif, devrait pouvoir participer de façon créatrice à son propre traitement, avec l’aide d’associations, de formation, de sites d’information. Cette coopération des usagers avec tous les personnels irait de pair avec le développement des pouvoirs de tous les personnels et de leur formation. Cela contribuerait à l’émancipation des pouvoirs directoriaux eux-mêmes soumis aux pressions étatistes, bureaucratiques et technocratiques, notamment de la part des agences gouvernementales, et aux pressions des entreprises privées. Ce développement non étatiste, avec de très nouveaux pouvoirs de tous les concernés, fait qu’on pourrait peut-être parler de « services publics et communs ». Une nouvelle efficience, du local au mondial Les exigences nouvelles des calculs et indicateurs de résultats dans les services publics répondent aux pressions du rationnement et de la rentabilité financière. Mais elles correspondent aussi à des besoins novateurs d’efficacité. D’où la possibilité d’élaborer de nouveaux critères d’efficience sociétale, de nouveaux instruments de mesure et indicateurs. Une autre décentralisation développerait, à l’opposé de la concurrence et aussi pour la dépasser, l’émulation pour l’efficience sociétale et la coopération pour mettre en place les meilleures solutions .Cela participerait à des transformations des opérations, à la montée de la créativité, de la prévention, des coopérations, en particulier avec les entreprises et avec les autres services publics, des plans local et national jusqu’aux plans zonal et mondial. Ces coopérations internationales renvoient à l’instauration de services et biens communs publics de l’humanité. Les biens publics mondiaux ont été mis en avant par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). On emploie aussi de plus en plus l’expression de « Biens Communs de l’humanité » Cela comprend l’environnement, la santé, la culture, l’eau, l’alimentation, l’énergie, des transports, les communications, l’éducation, la science, la formation, mais aussi la paix. Et ils comprendraient encore, selon nous, la monnaie et la finance partagées, jusqu’à une monnaie commune mondiale ,ou l’emploi-formation et le codéveloppement des peuples. Il ne faudrait pas céder à une vision idéalisée des biens communs, sous-estimant les efforts de récupération dominatrice des entreprises multinationales, comme avec les propositions d’un « capitalisme vert », ni les exigences de lutte de classes et de masse, sociales et culturelles, du local au mondial, comme à propos de l’eau . Avec les avancées pour instituer des Services et Biens Communs publics de l’humanité, il s’agit de faire reculer les accaparements et les gâchis des multinationales et des Etats dominants, depuis l’hégémonie des Etats-Unis. Cela concerne les institutions connexes de l’ONU sur les Biens et Services communs de l’humanité. Cela se réfère notamment, à des compromis évolutifs pour des modifications des activités des multinationales. Cela concerne aussi l’imposition de normes sociales, écologiques, culturelles et de pouvoirs d’intervention démocratique pour toutes les activités, du local au mondial, pour avancer vers une autre civilisation. Face à l’effondrement des espérances et des illusions étatistes délégataires sur une société prétendue socialiste, c’est une autre espérance qui peut grandir avec des transformations au plus près de la vie de chacun et de son intervention, tout particulièrement dans les services publics, avec la montée d’une nouvelle culture de partage, du commun, depuis chacun, et d’une éthique de participation créatrice à des solidarités de proximité, jusqu’à toute l’humanité .