Réforme des retraites : les positions en présence
Par Jean-Claude CHAILLEY - Article publié dans le n° 81 du journal "REsistance SOciale"
Mis en ligne le 16 avril 2010

Il y a eu des auditions au Sénat, avec synthèses dans des vidéos de 2 minutes environ.

On a donc un large panorama des positions des syndicats de salariés, d’employeurs, d’institutions, d’économistes, impliqués dans la gestion des différents régimes.

Les partis politiques n’en faisaient pas partie.

A la TV, tout le monde prétend vouloir défendre « notre Sécurité Sociale ». C’est vrai de l’immense majorité de la population, ce qu’un sondage vient encore de confirmer.

Mais lorsqu’on regarde les vidéos, on est étonné du nombre de ceux qui veulent revoir les « paramètres » (60 ans, allongement de la durée de cotisation -ce qui entraîne inéluctablement une nouvelle baisse des retraites-) et les fondements structurels de la retraite (réforme « systémique »).

Toutes les organisations se situent dans le cadre actuel qui ne distingue pas les régimes salariés avec cotisations fondées sur le salaire socialisé (différé), et les régimes non salariés, qui par définition ne reposent pas sur le salaire.

- L’UIMM a rappelé la revendication traditionnelle du MEDEF (3 étages : large socle par fiscalisation, assurance, capitalisation facultative). En fait, le MEDEF demande un transfert sur la fiscalité des ménages. En réalité, il n’est pas plus facile de contraindre les entreprises à payer plus d’impôt qu’à augmenter les salaires. Ça fait une vingtaine d’années qu’il obtient baisse des salaires dans la valeur ajoutée ET baisse des cotisations sociales ET baisses d’impôts, qui toutes participent de la concurrence libre et non faussée, comme de l’augmentation des dividendes.

- Tout à fait dans cette logique, Jean-François Copé se prononce pour la fusion impôt sur le revenu/CSG et URSSAF/ Direction générale des finances publiques. Ce serait remettre en cause les fondements de la Sécurité Sociale, mettre fin à toute notion de salaire socialisé (différé).

- A titre personnel, Manuel Valls, dans une tribune des Echos du 10 avril, propose de fusionner impôt sur le revenu et CSG expliquant que « les revenus de la solidarité nationale ne doivent plus être assis sur le seul travail mais davantage sur le capital, les profits et les dividendes….Il faut revoir la fiscalité du travail en rééquilibrant l’effort sur le reste de la valeur ajoutée ». Si on comprend bien il s’agit de transférer les cotisations sociales patronales sur la TVA.

- La remise en cause des paramètres (60 ans, allongement durée cotisation) est quasi générale, sauf surtout pour une partie des syndicats,

- CGT, FO, Solidaires, FSU, demandent une augmentation des cotisations patronales et pour certains n’excluent pas une augmentation des cotisations salariales plutôt que d’aller vers de la capitalisation, en réalité plus pénalisante,

- Plusieurs syndicats demandent un taux de remplacement de 75%, la ré-indexation des retraites sur le salaire moyen, supprimée par décret d’Edouard Balladur en 1993,

- La remise en cause des fondements de la sécu (au profit d’un système à points de type suédois, ...) est fréquente, y compris parmi certains syndicats, notamment la CFDT, qui met en débat à son congrès de « réinventer le système de retraite ». La réforme suédoise s’est d’ailleurs imposée à la faveur d’une crise, aboutissant à un consensus droite – gauche sur son inévitabilité. C’est le modèle que Bruxelles souhaite étendre à toute l’Europe.

- La réforme du financement, qui est en fait une réforme du financement de la Sécurité Sociale, vers davantage de fiscalisation, fait l’unanimité, mais avec des modalités fort différentes (voir tableau ci-dessous et notes). Noter que peu d’organisations remettent en cause partiellement ou totalement les 30 milliards € d’exonérations de cotisations patronales, exemptions d’assiette non comprises,

- Des revendications légitimes (pénibilité, lutte contre les inégalités) servent parfois de prétexte à une réforme structurelle (retraite à la carte, fonction de l’espérance de vie…). Noter que, si l’espérance de vie devenait un critère structurel, il serait inévitable qu’au nom de « l’égalité », les femmes soient amenées à travailler plus longtemps que les hommes (cf. MDA, les 4 trimestres par accouchement).

Peut-on dire au prétexte que notre Sécurité Sociale ne corrige pas toutes les inégalités, notamment à cause de la crise et des « réformes » de ces dernières années, que ses fondements sont périmés ? Nous pensons que NON.

Vous trouverez en page suivante un tableau récapitulatif des auditions et des compléments pour les syndicats non auditionnés de façon à avoir un panorama complet

Auditions : site http://videos.senat.fr/video/index.html ;

Les notes de ces vidéos sont disponibles sur le site www.résistancesociale.fr

Organisation

Organisation

Remise en cause 60 ans

Allongement

Réforme proposée

CGT

Non

Non

Taxer revenus financiers,  cotisations…voir notes sur site Résistance Sociale

CFDT

Oui  (à la carte) 42 / 43 en débat

Oui  réinventer système

FO

Non

Non

Taxer revenus financiers cotisations…voir notes sur site Résistance Sociale

CFTC

Non mais

Augmenter la CSG

CGC

OUI

 

 

SOLIDAIRES

Non

Non, retour 37,5 ans

Augmenter cotisations patronales

UNSA

Non

 

Augmenter la CSG, les cotisations

FSU

Non

Non, retour 37,5 ans

Taxer revenus financiers cotisations…

CNAV

Implicite

Oui

Elargir assiette

Caisse SNCF

Implicite : concerter pour « éviter trouble social »

 

CNRACL (collectivités locales)

Non, caisse excédentaire, ne demande qu’ajustements

FRAFP

Fonds Retraite Additionnel Fonction Publique : par capitalisation, souhaite s’étendre très largement

MSA (agricole)

Système à points  + solidarité par impôt (caisse ultra déficitaire, largement à l’origine du « déficit »  donc du  débat)

RSI (artisans, commerçants)

Oui

Oui

Elargir assiette…

UPA (artisans)

Oui

Elargir assiette

OFCE

 

Oui, 42

Système actuel « solide »

Augmenter  cotisations

UIMM / MEDEF

Remettre à plat, 3 étages : socle = solidarité par impôt, assurance, capitalisation facultative

CGPME

Oui

Oui, 42

Capitalisation

OCDE

Oui comme partout dans OCDE

Augmenter capitalisation

JM SPAETH (école SS)

Système actuel corporatiste. Pour système universel

CREAP (étude âge population)

 

 

Uniquement pénibilité

J Bichot université Jean Moulin

Passage au système suédois

JM Charpin inspecteur général des finances

Oui

Oui

 

J O Harrault Prof Paris I

Passage au système suédois

C Mills (économiste)

Non

Non

Taxer revenus financiers cotisations…

Bozio (IFS – Londres)

Passage au système suédois

FRR  (fonds réserve retraites)

 

 

Inévitable