Le gouvernement britannique présente un plan de rigueur peu électoraliste
Source : "Le Monde"
Mis en ligne le 30 mars 2010
A quelques semaines des élections législatives au Royaume-Uni, prévues le 6 mai, le budget qui vient d’être présenté est particulièrement peu électoraliste. Il faut dire qu’Alistair Darling, le chancelier de l’Echiquier, qui a présenté sa loi de finances pour l’année fiscale 2010-2011 au Parlement, mercredi 24 mars, n’avait pas les moyens d’être généreux. Après dix-huit mois de récession, dont le pays est sorti péniblement au dernier trimestre 2009, et une crise financière sans précédent, les finances publiques de sa Majesté sont exsangues.

Le ministre des finances a donc concocté un programme modeste. Il ne sait pas s’il sera un jour mis en oeuvre puisque les sondages restent plus favorables aux conservateurs qu’au Labour, malgré une réduction de l’écart entre les deux partis. On y trouve un plan de 2,5 milliards de livres (2,8 milliards d’euros) pour aider les PME. Il prévoit aussi la création d’une banque "verte" dotée d’un capital de 2 milliards de livres (dont une moitié viendra du privé et l’autre de la vente d’actifs publics) pour financer des projets innovants dans les transports et l’énergie. Et le doublement du seuil (à 250 000 livres) à partir duquel les droits de timbre sur les transactions immobilières sont dus, pour aider les primo-accédants.

Le gouvernement travailliste de Gordon Brown a décidé de maintenir son plan d’aide à l’emploi pour les jeunes, qui sont les principales victimes de la hausse du chômage depuis deux ans.

Même contraint, ce budget offre une lecture politique à deux niveaux. D’abord parce qu’il met davantage à contribution les plus riches à compter du 1er avril, et envoie ainsi un signe à l’électorat traditionnel du Labour. "Nous n’avons pas décidé d’augmenter (leurs) impôts par idéologie, a affirmé M. Darling. Mais je crois que ceux qui ont le plus profité de la croissance dans les années passées doivent désormais payer leur dû."

Réforme fiscale

Ainsi, les droits de timbre sur les transactions immobilières supérieures à 1 million de livres seront augmentés. Le seuil au-delà duquel des droits de succession sont exigibles sera gelé pendant quatre ans. Les contribuables qui gagnent plus de 100 000 livres par an (les 2 % les plus riches) perdront progressivement les abattements fiscaux dont ils bénéficient aujourd’hui. Et les retraités qui touchent plus de 130 000 livres par an seront également, à terme, privés de réduction d’impôt. Ces mesures s’ajoutent à la hausse de 40 % à 50% du taux marginal de l’impôt sur le revenu qui s’applique au-delà de 150 000 livres par an, déjà annoncée par le gouvernement.

Le deuxième message envoyé aux électeurs est celui d’un gouvernement responsable : s’attaquer aux déficits publics quand la croissance se sera installée. Une politique de réduction immédiate des dépenses de l’Etat, comme le préconisent les Tories, serait "erronée et dangereuse, et risquerait de faire dérailler la reprise", juge M. Darling. Avec un gouvernement travailliste, le déficit public, de 167 milliards de livres en 2009-2010 - soit 11,8 % du produit intérieur brut (PIB) -, ne devrait commencer à baisser sérieusement qu’après 2011, pour atteindre 89 milliards de livres en 2013-2014 (5,2 % du PIB). Et la dette publique continuera à monter jusqu’en 2014-2015, pour atteindre 75 % du PIB.

"Le prochain programme de dépenses, à partir de 2011, sera le plus drastique depuis des décennies", a affirmé le ministre des finances, qui prévoit une baisse des déficits plus importante qu’il ne le préconisait dans son pré-budget, en décembre 2009. Il a annoncé un plan détaillé d’économies de 11 milliards de livres par an à terme, qui inclut le plafonnement à 1 % des hausses de salaires des fonctionnaires, en 2011 comme en 2012. Il lui faudra au moins tripler cet effort pour atteindre son objectif mais il n’a pas donné de précisions.

Ce n’est pas non plus l’accord d’échanges d’informations avec le Belize, destiné à lutter contre la fraude fiscale, que M. Darling a annoncé mercredi, qui permettra au Trésor de redresser ses comptes. Mais peut-être le ministre espère-t-il, à défaut, gagner quelques voix sur les Tories : leur plus gros donateur et vice-président, Lord Ashcroft, touche l’essentiel de ses revenus dans ce paradis fiscal et ne paye qu’une part infime de ses impôts au Royaume-Uni.

Virginie Malingre