Le Portugal prévoit une cure d’austérité et un vaste plan de privatisations
Source : "Le Monde"
Mis en ligne le 30 mars 2010

Le plan de rigueur que le gouvernement portugais s’apprête à adresser à Bruxelles sera-t-il de nature à rassurer la Commission européenne, et surtout les marchés financiers, inquiets de voir la crise de confiance se propager de la Grèce au Portugal ?

Le Parti socialiste, qui gouverne sans majorité absolue depuis septembre 2009, considérait cette motion comme "essentielle" pour donner de la crédibilité à la politique qu’il compte mener afin de réduire le déficit public de 9,3 % du produit intérieur brut (PIB) l’an dernier à 2,8 % du PIB en 2013.

Le ministre des finances, Fernando Teixeira dos Santos, souhaitait "un soutien sans équivoque." Il n’aura finalement obtenu qu’un soutien minimal, grâce à l’abstention "au nom de l’intérêt national" du Parti social-démocrate (PSD, centre droit), le principal parti d’opposition.

Membre du PSD, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de passage à Lisbonne à la mi-mars, avait qualifié le plan quadriennal de "crédible, ambitieux mais réalisable" et appelé à "un consensus national aussi large que possible (...) afin d’en renforcer la crédibilité".

Le reste de la droite portugaise a voté contre, en raison notamment des hausses d’impôts prévues pour les revenus les plus élevés et de la suppression de certains avantages fiscaux.

La cure d’austérité annoncée passe mal auprès des syndicats et des partis de gauche. Ces derniers rejettent en bloc un plan jugé "libéral " et annonciateur d’une "tragédie sociale". Afin de réduire la dépense publique, le PEC prévoit un gel des salaires des fonctionnaires pendant quatre ans ; le remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; le plafonnement des aides sociales et la suppression de certaines mesures prises en 2009 pour l’emploi des jeunes et les chômeurs de longue durée. De grands investissements publics, comme la ligne de TGV devant relier Lisbonne à Porto, puis Vigo (Espagne), ont été ajournés.

Au chapitre des recettes nouvelles, le gouvernement a annoncé un vaste plan de privatisations qui devrait rapporter quelque 6 milliards d’euros, dont 1,2 milliard dès cette année. D’ici à 2013, l’Etat envisage de se désengager, totalement ou partiellement, de dix-huit entreprises des secteurs de l’énergie, des transports et des services. La BPN, une banque d’investissement nationalisée en urgence pendant la crise financière, devrait être l’une des premières à être privatisée.

Les analystes de la banque BPI ont jugé le plan "prudent et équilibré". Mais de nombreux observateurs doutent qu’un gouvernement instable comme celui de M. Socrates puisse mener à son terme une politique aussi rigoureuse. D’autant qu’un effort important a déjà été demandé aux Portugais entre 2005 et 2008 pour ramener le déficit public de 6,1 % du PIB à 2,7 %.

Tout en estimant, elle aussi, le plan portugais "globalement crédible", l’agence de notation Fitch a d’ailleurs abaissé, mercredi 24 mars, son évaluation de la dette à long terme du Portugal de AA à AA -. Fitch considère que "si le Portugal n’a pas été affecté outre mesure par la crise mondiale, les perspectives de reprise économique sont plus faibles que pour les autres membres de la zone euro, ce qui va peser sur ses finances publiques".

La décision de l’agence de notation a provoqué aussitôt une baisse des Bourses portugaise et espagnole, dénotant le scepticisme des marchés à l’égard des économies de la péninsule ibérique.

Jean-Jacques Bozonnet