Conseil d’orientation des retraites : le ton monte entre les syndicats et le Medef
Source : Le Monde
Mis en ligne le 30 mars 2010
C’est un mini-incident, mais il révèle les tensions qui se font jour sur les retraites à trois semaines du top-départ officiel de la concertation sur la grande réforme de 2010. Mercredi 24 mars, le jour même où Nicolas Sarkozy réitérait son engagement de ne pas passer "en force" et de laisser du temps à la discussion entre les partenaires sociaux (mais pas plus de six mois), le Conseil d’orientation des retraites (COR) a été le théâtre de vifs échanges entre le patronat et les syndicats sur la question, sensible entre toutes, des durées d’assurance et des âges de la retraite.

A la demande de certains de ses membres, le COR a décidé de chiffrer l’impact financier de neuf paramètres. Y figurent notamment le relèvement progressif de la durée de cotisation à 45 ans (contre 40,5 ans actuellement) et la hausse des deux bornes d’âge de la retraite : de 60 ans à 65 ans pour l’âge légal d’ouverture des droits et de 65 à 70 ans pour l’âge à compter duquel une personne peut liquider sa pension sans décote même si elle n’a pas une durée de cotisation suffisante.

Bien que le président du COR, Raphaël Hadas-Lebel, ait pris la précaution d’indiquer que ces différentes variantes avaient "une vocation purement illustrative" et ne constituaient pas "des propositions de réforme", les esprits se sont rapidement échauffés.

Risque de blocage

Tenant pour acquis que les demandes relatives au recul à 65 ans de l’âge légal de la retraite et à 70 ans de l’âge de liquidation sans pénalité financière émanaient du Medef, la CFDT et la CGT sont montées au créneau. "Ce ne sont pas des hypothèses sérieuses. Le Medef instrumentalise à des fins politiques un Conseil qui est un lieu d’études sérieux, pas une arène d’affrontements", a fait valoir Jean-Louis Malys (CFDT). "Le Medef fait de la provocation et de la surenchère. Mais si ses hypothèses figurent dans le rapport du COR, ce dernier n’aura pas notre aval", a renchéri Jean-Christophe Le Duigou (CGT).

"Demander aux jeunes générations, qui arrivent plus tard sur le marché du travail et qui ont des carrières plus chaotiques, de cotiser quatre ans de plus pour leur retraite et de cesser leur activité professionnelle cinq ans plus tard, ce serait le meilleur moyen de les décourager et de condamner le système par répartition qui repose sur la solidarité intergénérationnelle", a ajouté M. Le Duigou.

Confronté à un risque de blocage inédit dans la vie d’un Conseil censé poser "un diagnostic partagé" sur la situation des régimes de retraite, le secrétariat général du COR a précisé mercredi soir sur son site Internet que "le choix des variantes donnant lieu à simulation n’a pas fait l’objet de consensus" et que certaines d’entre elles avaient même recueilli "une ferme opposition de la part de certains membres". Il a renvoyé au 14 avril le débat politique sur ces propositions et précisé que d’autres éléments, relatifs aux ressources du système de retraite et à l’évolution du niveau des pensions, seraient étudiés dans le dossier du Conseil.

Le Medef, favorable au recul de l’âge légal, indiquait de son côté mercredi soir que les demandes "les plus dures" adressées au COR, combinant l’allongement de la durée de cotisation à 45 ans et le recul des âges de la retraite, n’émanaient pas de lui. S’il dit vrai, on ne peut exclure que l’initiative en revienne au gouvernement par l’intermédiaire des hauts fonctionnaires membres du Conseil. Une chose est sûre : la réunion du 14 avril, au cours de laquelle doivent être précisés les besoins de financement des régimes, s’annonce sportive.

Claire Guélaud