A propos de la réforme de l’hôpital
Par Ladislas POLSKI, médecin
Mis en ligne le 15 avril 2008
Nicolas Sarkozy a présenté, jeudi 17 avril 2008 à Neufchâteau, un projet de réforme de l’hôpital qui reprend la plupart des préconisations du rapport remis par la commission Larcher la semaine dernière. Voici quelques remarques sur les principales mesures annoncées.

1) La création de communautés hospitalières de territoire n’est pas à rejeter par principe

Le regroupement de certaines activités dans des centres plus adaptés en terme d’expertise et de plateau technique peut concourir à une meilleure égalité d’accès aux soins sur le territoire, en garantissant au plus grand nombre des moyens optimaux.

Plusieurs conditions existent cependant pour que ces regroupements ne pénalisent pas l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire qui doit être l’objectif premier de toute réforme de la « carte hospitalière ».

Ainsi, dans les zones de faible densité médicale, les infrastructures et les moyens nécessaires doivent être mis en œuvre pour garantir à la fois l’optimisation des conditions et des délais de transport pour les patients vers les grands centres hospitaliers, notamment dans le cadre de l’urgence, et l’accessibilité de ces centres aux familles (réseau de navettes etc.).

Par ailleurs, dans le cadre de ces communautés hospitalières de territoire, la mutualisation annoncée des moyens, budgets, investissements et personnels peut être positive si elle ne consiste pas, notamment pour la gestion du personnel hospitalier, en une gestion de la pénurie, à l’heure où le gouvernement souhaite réduire l’effectif des fonctionnaires.

La réorientation des hôpitaux de proximité vers la prise en charge du grand âge et du handicap va dans le sens de ce que nous avions nous-même proposé (cf contribution « pour un système de santé solidaire et progressiste », 2005). En effet, les hôpitaux locaux peuvent remplir leur mission de service public en assurant l’accueil des patients âgés et dépendants dans des services de Moyen et de Long séjour qui font actuellement défaut sur le territoire.

Par ailleurs, il convient aussi de garantir l’égalité géographique d’accès aux soins ambulatoires. Pour cela, la création de centres de santé pluridisciplinaires dans les zones de faible densité médicale devrait être envisagée (cf note sur la démographie médicale, juin 2007).

Ainsi, le regroupement des hôpitaux en communautés hospitalières de territoire nécessite des mesures d’accompagnement et un financement conséquent. Or, N. Sarkozy n’évoque pas de perspectives nouvelles de financement, alors que les budgets des hôpitaux sont largement déficitaires.

2) Le renforcement des pouvoirs des directeurs d’hôpitaux suscite bien sûr des inquiétudes quant à une « gestion purement comptable » de l’offre de soins

L’introduction de la tarification à l’activité ((T2A) dans les hôpitaux publics, dont les effets pervers ne sont pas suffisamment corrigés par la création des Missions d’Intérêt général et d’Aide à la Contractualisation (MIGAC) tend à éloigner la « gouvernance hospitalière » de la préoccupation de service public et d’égalité d’accès aux soins.

Les services sont ainsi amenés à sélectionner les malades les plus rentables en termes d’actes pratiqués. La volonté affichée de transformer l’hôpital en entreprise est, en ce sens, assez préoccupante.

3) La signature de « contrats de service public » avec les cliniques privées appelle également à la vigilance

N. Sarkozy a déclaré que « le service public hospitalier, c’est une mission plus qu’un statut ». Encore faut-il, si les cliniques privées entendent remplir des « missions de service public », que les obligations inhérentes à ces missions soient clairement affirmées : absence de sélection des malades, application par les praticiens de tarifs conventionnés notamment. Par ailleurs, l’ouverture du secteur de la santé aux fonds spéculatifs risque d’éloigner les établissements de santé privés des préoccupations de service public en matière d’accès aux soins.

4) L’introduction d’une part variable en fonction de l’activité dans la rémunération des médecins hospitaliers et la possibilité offerte aux médecins d’opter pour un statut de droit privé ne semblent pas aller dans le bon sens Alors qu’il conviendrait d’entamer une réflexion sur la rémunération à l’acte des médecins dans le secteur libéral, sur le tarif des actes et sur les écarts de rémunération souvent injustifiés entre les différentes spécialités, on risque d’introduire chez les médecins hospitaliers une forme de « course à l’acte » dont on ne peut nier l’existence dans le secteur libéral, et qui pénalise déjà le financement de la protection sociale.

En vue de redonner toute son attractivité à l’exercice hospitalier pour les médecins, il convient en premier lieu de valoriser les spécificités de l’hôpital public, et notamment son lien avec l’enseignement et la recherche dans les CHU qui doivent rester des centres d’excellence et de référence pour l’ensemble du système de santé. Cette valorisation n’est pas incompatible avec une valorisation de rémunération.

5) La création d’un numéro unique d’appel pour les urgences est plus anecdotique, mais semble aller dans le bon sens

Pour désengorger les urgences, trop souvent submergées par la fonction sociale qu’elles assument, il convient de mettre en place des structures qui permettent d’accueillir directement certains patients dont l’état de santé ne nécessite pas le plateau technique des urgences, mais que leur situation contraint à être admis sans délai en institution. Dans ce sens, l’augmentation du nombre de places

Article paru dans la rubrique "place au débat" du mensuel Résistance sociale n°58, avril 2008