Retraites et crise financière : de l’argent roi à l’argent fou…
Par Julien DUVAL, syndicaliste
Mis en ligne le 15 octobre 2008
Peter Orszag, expert budgétaire auprès du congrès américain, estime que la crise financière a fait fondre plus de 2000 milliards de dollars épargnés par les Américains au sein des fonds de pension. Ces pertes gigantesques vont certainement contraindre nombre d’Américains à retarder leur départ à la retraite et à différer des achats importants (source : la presse canadienne du 8 octobre 2008).

On ne peut rester insensible à ce type d’informations : c’est la faillite du système de retraite par capitalisation.

Explications. Depuis des années, les salariés américains capitalisent individuellement dans des fonds de pension. Or, ces fonds de pension hautement spéculatifs exigent des taux de rentabilité très forts (plus de 15%) auprès des entreprises dans lesquelles ils investissent, généralement sur du très court terme. Cela a des conséquences directes sur le management de ces multinationales qui répercute la pression dans tous les services de l’entreprise. Cela engendre « au mieux » du stress et de la souffrance au travail et au pire des licenciements économiques.

Un cas extrême. Un salarié américain se fait licencier à cause des mesures prises par le management du fait de la rentabilité exigée par un fonds de pension dans lequel ce même salarié a investi pour préparer sa retraite. C’est une véritable aberration et cela frôle l’univers absurde et mortifère qui découle du système de retraite par capitalisation !

Au contraire, le système de retraite par répartition montre toute sa puissance dans ces temps de crise financière avec une notion éloignée du monde des « traders » : la solidarité intergénérationnelle. De plus, le système de retraite par répartition se fonde sur l’économie réelle (les revenus du travail en particulier) alors que le système de retraite par capitalisation, outre qu’il soit égoïste et individualiste, ne peut exister que grâce à l’économie spéculative et financière (les plus ou moins-values boursières et les arbitrages notamment).

La situation actuelle est donc un véritable pied-de-nez aux comptenteurs des fonds de pension à la française.

Et n’oublions pas que 40% du capital des entreprises du CAC 40 sont détenus par des capitaux étrangers dont une majorité de fonds de pension : le pire reste donc à venir…

Déjà, on en voit les premiers effets : l’une des raisons de la chute de la bourse est le rapatriement aux Etats-Unis d’une partie des capitaux investis dans l’économie française. D’une certaine manière, l’annonce de la création d’un « fonds souverain français », susceptible de remplacer ces capitaux volatiles, peut donc apparaître comme une bonne nouvelle, à condition bien sûr que les exigences de rendement soient compatibles avec ce que peut fournir l’économie réelle.

Article paru dans la rubrique "actualité sociale" du journal Résistance Sociale n°63, octobre 2008