Éducation nationale : quand on atteint le fond, la Cour des Comptes suggère de creuser encore un peu
Par Antoine DUCROS - Journal RESO n° 222 - Février 2023
Mis en ligne le 18 février 2023

Depuis au moins deux décennies, nos différents gouvernements, sous Sarkozy, sous Hollande, sous Macron, n’ont cessé d’une part de faire subventionner massivement par le contribuable les salaires du secteur privé (à travers les baisses de cotisations sociales compensées par l’État et les déductions fiscales pour les emplois à domicile) et d’autre part d’organiser sans le dire la baisse des rémunérations réelles des fonctionnaires : on gèle le point d’indice et on laisse l’inflation faire lentement mais sûrement le sale boulot. Évidemment, ce qui devait arriver arriva : des pans entiers du secteur public n’arrivent plus à recruter faute de candidats intéressés par des postes de plus en plus mal payés, et la crise est désormais aiguë dans des certaines branches cruciales comme la santé ou l’Éducation nationale.

C’est au chevet de cette dernière que la Cour des Comptes s’est récemment penchée. Et qu’a-t-elle conclu ? Qu’il est urgent de planifier une hausse massive des revenus des enseignants à tous les niveaux de carrière ? Eh bien, pas du tout… elle propose simplement pour le moment de recourir encore davantage au recrutement de professeurs vacataires en CDD, sur simple entretien, hors de tout concours, et en leur prodiguant une formation minimale (une dizaine d’heures).

Cela n’a hélas rien d’étonnant : cet organisme présidé par Pierre Moscovici est depuis longtemps un fidèle relai de l’idéologie libérale, obsédé par la compression des dépenses collectives et sourdement hostile au statut de la Fonction publique (dont ses membres bénéficient par ailleurs, et sous sa forme la plus avantageuse). C’est donc tout naturellement que sa seule réponse à la situation catastrophique de l’enseignement secondaire en France consiste à développer les postes précaires pourvus par une procédure totalement floue et sans garantie aucune, au lieu de renforcer dans des proportions significatives l’attractivité des postes statutaires et pérennes, pourvus par la procédure la plus juste, la plus égalitaire et la plus intelligemment sélective qui soit : le concours national. Bien entendu, ces mesures, si elles sont mises en œuvre, n’amèneront strictement aucune amélioration de la situation, bien au contraire : les rectorats continueront à faire face à une pénurie grandissante d’enseignants, qu’ils n’arriveront au mieux qu’à combler que très imparfaitement et en confiant les classes à des intervenants de moins en moins qualifiés – qui croit sérieusement que les bons étudiants titulaires d’un Master 2 vont se bousculer au portillon pour un contrat de trois ans sans perspectives au-delà, et un salaire bien bas en regard de leur niveau d’études ? Tandis que les groupes sociaux qui soutiennent et inspirent cette politique catastrophique auront soin quant à eux de soustraire leurs propres enfants à ses conséquences en les inscrivant dans des établissements privés voire, pour les études supérieures (qui sont pour le moment moins concernées par ces problèmes mais finiront par l’être, au train où vont les choses), en les envoyant dans de très coûteuses formations à l’étranger.