Le gouvernement se moque des conséquances de ses décisions
Par Antoine DUCROS - Journal RESO n° 220 - Décembre 2022
Mis en ligne le 11 décembre 2022

Un agrégatif de Jussieu nous signale cet entrefilet paru dans Ouest-France le 10 novembre : « Face à un manque de candidats aux concours de recrutement de professeurs dans le premier et le second degré pour la rentrée 2023, le ministère de l’Education a annoncé le jeudi 10 novembre une prolongation de deux semaines pour les inscriptions ». On en est donc là à l’Éducation Nationale.

Au-delà du caractère grotesque de cette affaire (croit-on vraiment que reculer la date d’inscription au CAPES et à l’agrégation va résoudre ou même atténuer la crise du recrutement ?), il faut rappeler inlassablement que ce manque de plus en plus criant d’enseignants, comme de soignants, comme de conducteurs de bus, de métros ou de trains, n’est pas une calamité tombant du ciel sans qu’on comprenne pourquoi : c’est la conséquence aisément prévisible d’une politique mise en œuvre depuis des années sous Sarkozy, Hollande, Macron… qui a consisté à organiser méthodiquement et sans répit la baisse d’attractivité de toutes ces professions, et d’une manière générale de tous les postes de fonctionnaires ou salariés d’un établissement public. De quelle manière ? D’abord en baissant leurs salaires réels de 15% à grade et ancienneté fixés (le sale boulot ayant été confié à l’inflation, qui a l’avantage d’agir discrètement), puis en s’attaquant à divers avantages statutaires (réforme de la retraite des cheminots par Sarkozy, puis suppression de leur statut par Macron, qui s’apprêtait ensuite avec gourmandise à s’attaquer aux retraites de l’ensemble des fonctionnaires, en modifiant leur mode de calcul de manière à faire baisser les futures pensions de 10 à 20% au moins selon les profils de carrière — le Covid a mis fin à ce projet). Mais aussi en dégradant les conditions de travail par des réformes incessantes, par des suppressions de postes plaçant des services entiers en situation dramatique de sous-effectifs (les urgences hospitalières, par exemple), par une bureaucratisation galopante (les suppressions de postes évoquées ne concernent jamais les bullshit jobs, qui eux prolifèrent), et par des réductions de crédits d’équipements et fonctionnement (on a appris au début de la pandémie que dans nombre d’écoles, il n’y avait pas de savon dans les toilettes…).

Manifestement le gouvernement n’a pas pris la mesure du problème — ou bien il l’a prise et s’en contrefiche, ce qui revient au même. Il tente de colmater les brèches dans les secteurs où elles sont les plus visibles et les plus nuisibles, en proposant des primes ou des hausses des salaires d’entrée, mais sans revenir sur sa politique globale. La hausse récente du point d’indice de 4% dont il s’est gargarisé signifie simplement qu’entre juillet 2021 et juillet 2022 (7% d’inflation), les salaires réels des fonctionnaires n’auront baissé que de 3% au lieu de 7%… mais 3%, cela reste la plus grosse diminution annuelle qu’ils aient subie depuis plusieurs décennies.