Où va le service public ferroviaire ?
Par Laurent BRUN, syndicaliste cheminot - Journal RESO n° 216 - Juillet-août 2022
Mis en ligne le 12 juillet 2022

Des journalistes m’interrogent sur l’appréciation de la CGT Cheminots concernant les départs en vacances. Le service public ferroviaire est malade, et les médecins imaginaires du gouvernement préconisent de nouvelles saignées pour la SNCF !

Nous sommes inquiets pour la maintenance des trains. Il n’y a pas de réserve de matériel, la moindre défaillance détruit le service (plan de transport adapté à Ouigo vitesse classique par manque de rames, suppression de plusieurs dizaines de TGV la semaine dernière, pta dans le TER grand-est parce qu’on a été obligé de radier 13 rames sur lesquelles on a découvert de l’amiante, etc...). En +, les effectifs ont été trop diminués pour pouvoir faire face aux besoins d’entretien et de réparations, sans compter les démissions qui fragilisent les collectifs de travail (la suppression du statut conduit les cheminots ayant les compétences les plus rares – electro6techniciens, climaticiens... - à aller voir ailleurs). Sur ce dernier sujet, la direction SNCF a imposé un délai préalable à la démission de 3 mois au lieu d’1 mais ça ne suffit pas à éviter les pénuries de compétences. D’autant que le recrutement est lui aussi fragilisé par la disparition du statut et la faiblesse des salaires.

Nous sommes inquiets pour la maintenance de la voie. L’état de nos infrastructures se dégrade par manque d’investissement du gouvernement et avec les grosses chaleurs il y a une multiplication des risques de pannes de signalisations ou de chute des caténaires. Nous faisions 1000km de renouvellement de voie il y a 5 ans. C’était insuffisant. Nous en ferons 762 cette année et ça va baisser l’année prochaine (comme il faut les objectifs financiers fixés par l’Etat, on baissera les investissements en proportion de l’inflation !!!). A l’entretien de la voie nous avons les mêmes problèmes d’effectifs que dans les autres services. Ex : il faut 2 ans pour former un cateneriste mais il sera payé 1300€ net par mois donc évidemment ça coince. La direction invente des primes mais ça ne suffit pas.

Nous sommes inquiets pour les usagers en gare, car il y a eu tellement de fermetures que le temps d’attente pourrait dépasser les 1h30 dans les grandes gares. C’est ce que nous avions vu l’année dernière et la situation a empiré. En cas d’incident cela pourrait provoquer de gros problèmes : les trains sont supprimés et les usagers s’agglutinent en gare en attendant une solution, mais s’il n’y a personne pour les informer et leur trouver une solution de remplacement c’est le chaos. Il reste moins de 3000 agents de vente dans toute la France. A comparer avec les millions de voyageurs que nous allons acheminer chaque jour pendant les vacances.

Et puis il y a le manque de personnel généralisé. C’est ce qui conduit aux conflits à répétition depuis plusieurs mois (dernièrement chez les agents circulation) et aux débrayages des agents de conduite en région parisienne ces derniers jours. Nous entrons dans la période des congés. Il y a des protocoles qui limitent les droits des cheminots pour que l’on puisse continuer à faire rouler les trains. Mais on manque tellement d’emplois que ceux qui restent vivent un enfer, donc ils craquent.

Pour finir, il y a la question des prix. Avec le yeld management, moins il y a de places disponibles plus elles sont chères. Donc quand on supprime des TGV, ils sont tous pleins et c’est le banco. Allons-nous voir des Paris-Lyon à 160€ ? Et comme tout le monde suit cette règle, les Ouigo, les Blabla Bus et autres concurrents sont au même tarif dans les périodes de pointe. Le système libéral est magique : c’est quand les usagers ont le plus besoin du train qu’il devient inaccessible !

Bref. La CGT considère que les départs en vacances vont être durs. Croisons les doigts pour qu’il ne fasse pas trop chaud. Et préparons-nous à la rentrée pour nous battre pour le renouveau du service public, il en a bien besoin !