Journal RESO N° 214
Mai 2022
Mis en ligne le 23 mai 2022

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p. 3 : International / p. 4 à 7 : Place au débat : L’indexation des salaires / p. 7 : Actualité sociale / p.8 : Coup de gueule

L’édito de Marinette Bache

Nous avons donc une Première ministre. Madame Borne n’est pas une inconnue : elle a déjà un sacré pedigree d’ultra-libérale qui fait semblant d’écouter mais n’entend rien d’autre que la politique macronienne. Quel CV ! Présidente de la RATP de 2015 à 2017, elle a rejoint le mouvement de Macron (LREM) dès la campagne présidentielle ; elle sera ministre des Transports en mai puis ministre de la Transition écologique et solidaire en juillet 2019, enfin elle est nommée l’année suivante ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Et partout, elle a laissé le souvenir d’une technocrate réactionnaire intransigeante au service de la Finance.

C’est elle qui a démantelé le service public ferroviaire, c’est la responsable de la privatisation et de la mise en concurrence de la SNCF et de la RATP ; c’est elle qui a mené la réforme de l’assurance chômage au détriment de plus d’un million d’allocataires, spoliant les chômeurs ; c’est elle qui a fermé Fessenheim et a été condamnée pour inaction climatique ; c’est elle qui a toujours refusé l’augmentation des salaires, même pour le Smic. Et le gouvernement qu’elle vient de nous présenter est digne de la politique qu’elle a menée et qu’elle mènera.

Le proche avenir s’ouvre sur un paysage où François Villeroy de Glahau, le Gouverneur de la Banque de France, l’un des salariés les mieux payés du pays (au fait à quoi sert-il avec ses 30 000€ mensuels puisque tout se décide à Francfort ?), estime que « tout le monde serait perdant » en cas d’augmentation des salaires ; un paysage où la Cour de cassation vient de valider le « barème Macron » qui plafonne les indemnités de licenciement abusif ou sans cause réelle et permet ainsi de virer illégalement un salarié sans lui donner aucune indemnité aux Prud’hommes.

Cela n’empêche pas la macronie - et la presse à son service - de faire campagne sur : « tout va beaucoup mieux, le chômage baisse ». Il s’agit toujours de la resucée du tripatouillage des chiffres. Les demandeurs d’emploi sont plus nombreux à travailler à temps partiel ou dans le cadre de contrats courts, tout en étant inscrits à Pôle Emploi. Pour le 1er trimestre 2022, la catégorie A, qui comprend les chômeurs qui n’ont aucune activité, baisse de 5,3 %. Cette baisse ne signifie pas que toutes les personnes concernées ont pu accéder à un emploi durable et satisfaisant. Il y a en fait un transvasement de la catégorie A vers les catégories B et C qui regroupent les demandeurs d’emploi qui ont travaillé à temps partiel ou dans le cadre de contrats courts, lesquelles sont, comme par hasard, en augmentation. Le pourcentage de chômeurs de catégorie B (ayant travaillé moins de 78 heures par mois) a augmenté de 2,6 %, avec une plus forte augmentation encore pour ceux qui ont travaillé moins de 20 heures ; celui des demandeurs de catégorie C (ayant travaillé plus de 78 heures par mois) reste au même niveau. Les travailleurs de catégories B et C ne peuvent pas vivre du seul revenu de leur travail. (...)

Bref, ce que montrent ces chiffres, c’est l’augmentation de ces temps très partiels ou très courts donc une explosion de la très grande précarité. A Pôle Emploi, des consignes sont données d’augmenter les radiations administratives qui sont en hausse de 40,8 % sur un an. Avec la réforme de l’assurance chômage il faut avoir travaillé 6 mois (au lieu de 4) pour prétendre à une indemnisation. Alors beaucoup, ayant travaillé 4 ou 5 mois, ne s’inscrivent plus à Pôle Emploi et sortent ainsi du comptage des chômeurs. Du côté salaires de la Fonction publique, la période électorale est propice aux illusions de campagne : En mars dernier, la ministre de la fonction publique de l’époque, Amélie de Montchalin, annonçait que le point d’indice des fonctionnaires serait revalorisé « avant l’été ». Les élections présidentielle et législatives passées, que deviendra cette promesse de campagne ? En effet, le budget nécessaire à une augmentation du point d’indice n’était pas prévu dans la dernière loi de finances… Ce point d’indice qui permet de calculer le salaire brut de tous les fonctionnaires n’a quasiment pas augmenté depuis dix ans. Depuis 2010, la perte de valeur du point par rapport à l’inflation est de 13%. L’actuelle augmentation de l’inflation, très forte, va continuer à creuser cet écart. Aujourd’hui, plus d’un million d’agents de la fonction publique sont payés au SMIC ou en-dessous. On ne s’étonnera pas de l’actuelle crise des vocations ! Le nombre de candidats inscrits aux concours de la fonction publique connaît une chute importante.

Avec des conséquences dramatiques ! Une cinquantaine d’hôpitaux, un peu partout en France, ferment leurs services d’urgences, pour une nuit ou plusieurs jours. Comme pour les maternités, il faut parfois une heure de route en zone rurale pour trouver des urgences ouvertes. Les restrictions budgétaires, le manque de médecins urgentistes et de personnels soignants en sont la cause. Il manque 11,5% des effectifs dans les hôpitaux, dont 44000 médecins, 46000 personnels infirmiers, 59000 aides-soignants, 58000 agents hospitaliers…

Question salaires dans le privé, au Royaume-Uni, on ne regrettera pas le Brexit, l’UE ne sera plus le prétexte au gel des salaires ! Le gouvernement britannique a annoncé qu’une nouvelle loi imposera le salaire minimum sur les ferries fréquentant régulièrement les ports du Royaume-Uni et ainsi comblera « un vide juridique entre le droit maritime britannique et international que P&O Ferries a impitoyablement exploité ».

Par ailleurs, des discussions bilatérales sont en cours avec la France, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Allemagne, l’Irlande et le Danemark pour des "corridors de salaire minimum" sur les lignes européennes. Comme quoi, les gouvernements des États ne peuvent renvoyer la responsabilité des régressions aux seules décisions européennes !

La guerre en Ukraine a aujourd’hui remplacé l’UE pour excuser l’inaction des gouvernements et leur supposée incapacité d’agir en dehors d’une politique d’austérité avec les diverses pénuries, de l’énergie (gaz, essence …) à l’huile alimentaire, et les importantes pertes de pouvoir d’achat afférentes. Gageons que cela risque de durer quelques temps, peu de dirigeants travaillant à une paix durable…

Alors, pour terminer cet édito de transition entre 2 élections, soulignons cette phrase de Michel-Edouard Leclerc : « L’inflation actuelle n’est pas liée à la guerre en Ukraine, c’est de la spéculation »…

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