La Poste : vous avez dit horizon 2030 ?
Par Loïc VERGNAUD - Journal RESO n° 203, mai 2021
Mis en ligne le 29 mai 2021

Après le plan 2010-2020, les dirigeants de la Poste se projettent déjà vers l’horizon 2030. Pari risqué ? On peut effectivement s‘interroger sur le point de savoir si la Poste, du moins celle que l’on connaît, existera encore en 2030. Fondée par Louis XI, la Poste était, il y a encore quelques années, considérée comme un service public d’excellence qui avait sur le plan interne une bonne note de la part de ses salariés, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels. Au fil des ans, la situation s’est considérablement dégradée, encore aggravée depuis mars 2020 par la pandémie et, disons-le aussi, par le changement d’actionnariat de la Poste, puisque désormais c’est la CDC et non plus l’État qui est aux commandes.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si pour la première fois depuis plusieurs années aucune prime d’intéressement n’a été versée au personnel qui doit se contenter de surcroît d’un maigre 0,2 % d’augmentation annuelle. Cela, alors que les agents ont été largement mis à contribution pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire et que le chiffre d’affaires est en augmentation de 20 %... Ce n’est pas un hasard si pour la première fois depuis longtemps trois des principales organisations syndicales (FO, CGT, SUD) ont manifesté ensemble le 18 mai devant le siège de la Poste. Il faut dire que les agents et cadres sont las des réorganisations qui s’enchaînent, de la qualité de service qui se dégrade, de la transformation profonde du métier qu’ils exercent. Sans compter les ruptures de contrat pour les agents en CDD et le recours toujours plus grand à la sous-traitance. Quant aux usagers-clients, ils ne peuvent que constater les fermetures de bureaux, les colis qui sont perdus ou dégradés, les lettres qui n’arrivent pas ou arrivent avec beaucoup de retard et le prix du timbre qui augmente toujours plus et plus vite que l’inflation. Même chose du côté de La Banque Postale :le sentiment de nombre de citoyens détenteurs d’un compte à la Poste est que la qualité de service se dégrade. Difficile d’obtenir un rendez-vous avec un conseiller ou de joindre le serveur téléphonique dédié pour signaler un vol ou contester une opération. Beaucoup de bureaux de poste sont remplacés par des agences communales ou par des commerces qui n’acceptent pas toutes les opérations et où une nécessaire confidentialité n’est pas toujours respectée.

La Poste négocie actuellement avec l’État concernant les obligations auxquelles elle est tenue en tant que dépositaire du service universel : aménagement du territoire, accessibilité bancaire, aide à la presse, service universel justement avec la distribution du courrier 6 jours sur 7. Il n’est pas sûr au bout du compte que toutes ces obligations seront maintenues en l’état d’ici 2030.

Il est vrai que le courrier, qui était il y a encore 5 ans le métier principal de la Poste, voit sa part diminuer d’année en année (près de 8 % de moins en 2020). Les sms ont remplacé les cartes postales et les télégrammes. Les entreprises envoient désormais leurs factures ou leurs correspondances avec leurs clients par Internet, les paiements sont de plus en plus dématérialisés. Mais la part du colis est en augmentation continue, de même que celle de la Banque Postale notamment grâce à l’intégration de la CNP et à la crise sanitaire qui a dopé l’épargne.

Le risque est là d’avoir à l’horizon 2030 une Poste au rabais qui ne serait plus qu’une manne financière pour l’État et la CDC.