Relance et austérité
Par Jean-Claude CHAILLEY - Journal RESO n° 203, mai 2021
Mis en ligne le 29 mai 2021

L’époque est à la « relance » nous dit-on. « Relance » est un terme sympathique, keynésien, qui pourrait faire l’unanimité, à moins qu’il s’agisse d’une vraie –fausse relance, d’une vraie politique d’austérité.

Des dépenses dignes d’une guerre mondiale

Depuis le début de la pandémie l’argent coule à flot, à des niveaux stratosphériques, dépassant la crise de 2008 et s’y ajoutant. États, banques centrales, Union européenne, on compte en trillions, en milliers de milliards. Par comparaison le PIB de la France, les richesses créées par une année de travail, c’est 2,5 trillions.

100 milliards pour la relance

On nous annonce 100 milliards pour la relance, dont 40 milliards ont pour origine l’emprunt de 750 milliards de l’Union européenne, dont elle contrôle l’utilisation des fonds.

La France devra participer au remboursement de cet emprunt européen pour une somme infiniment supérieure aux 40 milliards. Pour l’Italie qui reçoit 192 milliards, pour l’Espagne qui en reçoit 70, c’est l’inverse.

Monsieur Macron joue les riches à Bruxelles… avec nos impôts et taxes. La 1ère mesure de « relance » ce serait de se donner les moyens de vacciner rapidement le monde entier.

La pandémie n’est pas terminée. Tout le monde craint une mutation qui échapperait aux vaccins actuels.

Il faudrait la levée des brevets, l’utilisation de toutes les capacités mondiales de fabrication du vaccin. Non seulement on éviterait des centaines de milliers de morts, mais ce serait rentable financièrement.

Les mois passent. Rien. Refus notamment de Macron et de l’Union européenne. Le nombre de morts augmente. Les dégâts économiques aussi.

- Une mobilisation s’organise pour la réunion de l’OMC des 6 et 7 juin.

Un prix Nobel, Michael Kramer, professeur d’économie à Harvard, a calculé que si on vaccinait 1 milliard de personnes en plus en 2021 on gagnerait 600 à 900 dollars par dose. (Experts BFM Business, 14 mai)

Le « marché » ne répond pas aux besoins sanitaires, même globalement rentables. Il faudrait une intervention des Etats. Les mois passent.

- Débat : le vaccin, la santé, doivent-ils sortir du marché ? Les Big pharma appliquent les règles du capitalisme, maximiser la valeur pour l’actionnaire. On peut s’indigner que Pfizer fasse 26 Md de profits en 2021. On peut s’indigner que Sanofi distribue 4 Md de dividendes, largement sur fonds publics et de la Sécurité sociale. On peut s’indigner que Big pharma ne lève pas les brevets. Mais c’est la règle : le profit maximal pour l’actionnaire.

Si on pense que le médicament ou le vaccin est un bien commun, ne faut-il pas une appropriation sociale ?

« Braves gens consommez, dépensez vos économies, c’est un devoir citoyen ! » Avec la pandémie « on » aurait économisé 160 milliards. Il faut les dépenser pour relancer l’économie nous disent-ils.

Là les bras vous en tombent !

Demander de consommer pour relancer l’économie, c’est reconnaître que lorsqu’on bride la consommation on détruit l’industrie, on détruit l’économie. C’est pourtant ce qu’ils font en permanence au nom de la politique « de l’offre » : multiplication sans fin des aides aux entreprises, facilitation des licenciements, coupes sur la protection sociale, les services publics, … réformes pour réduire les salaires, les cotisations sociales, les indemnités chômage, les impôts sur les sociétés.

Cette politique réduit la consommation. Et en plus l’inflation tend à redémarrer.

Seules les mobilisations les freinent de réduire la consommation de l’immense majorité de la population encore plus. Et lorsqu’on réduit la consommation on détruit aussi l’industrie.

C’est pure schizophrénie que faire cette politique anti sociale et oser demander « en même temps » de consommer.

Pourquoi les plus démunis économisent ? Les 25 % les plus pauvres ont fait en moyenne des économies : 218 € sur l’année. (C’est une moyenne, certains ont été pour la 1ère fois aux restos du cœur).

Ils n’ont pas économisé 218 €, comme on nous le laisse entendre à la télé, parce qu’ils n’ont pas pu passer leurs vacances aux Seychelles. Ils se sont serré la ceinture d’un cran supplémentaire, parce qu’ils s’attendent à ce que « le jour d’après » soit encore pire que le précédent. Et c’est bien la politique des Macron, LR, FN,

Les couches moyennes en voie d’appauvrissement :

S’il y a des fortunes dont le montant défie l’imagination les couches moyennes retournent à la pauvreté. Plus personne ne s’attend à ce que ses enfants vivent mieux que soi-même. Au contraire tout le monde est angoissé par le sort qui attend la jeune (et moins jeune) génération. C’est ce qui permet à la démagogie d’extrême droite de se développer.

Même le vocabulaire a évolué : maintenant avec le SMIC (salaire minimum) on est devenu « couche moyenne », tant il y a de personnes en dessous (environ 10 millions de chômeurs partiels contraints ou totaux, ubérisés, sortis du marché du travail, des millions de retraité-e-s).

A 2500 € ou 3000 € par mois on est devenu « riche », comme ceux qui gagnent 10, 100 fois ou 1000 fois plus.

L’argent public coule à flots. La désindustrialisation, les PSE, s’accélèrent.

Les politiques menées depuis des années ont largement désindustrialisé la France qui devient de plus en plus un pays du « club Med », attendant tout des touristes.

Ils parlent de « relocalisation ». Il s’agit de relocalisation « européenne », qui n’exclue pas la poursuite des délocalisations en Roumanie… C’est surtout une relocalisation qui participe de la guerre commerciale des USA, suivie par l’union européenne, contre la Chine.

Malgré les dizaines et dizaines de milliards d’aides, les PSE s’accumulent sans fin, y compris dans les secteurs non touchés par la pandémie, poursuivant la désindustrialisation.

L’argent public coule à flots. Les dividendes se portent bien, pas l’emploi, ni l’industrie.

Le programme de stabilité 2021 – 2027 communiqué à Bruxelles : c’est 5 ans d’austérité.

ANTICIPER !

Il n’y a pas besoin d’attendre le détail des projets lois de finance et de financement de la Sécurité sociale à l’automne. Le programme de stabilité est l’engagement de Macron, au nom de la France, pour les mois et années à venir. Il est clair !

Contrairement à ce qui a été dit, le programme de stabilité européen n’a jamais été abandonné. La clause prévue en cas de crise a simplement été activée.

Une « relance » officiellement prévue poussive

Ils sont conscients que leur fort coûteuse « politique de relance » relance surtout les dividendes et le chômage : ils n’entrevoient en 2022 que le retour du PIB au niveau 2019. Il manquera environ 100 milliards au PIB, et malheureusement pas par suppression de dépenses inutiles ou nuisibles.

Conséquence sur la dette

Une véritable relance de l’activité économique – à partir des besoins sociaux, écologiques, … - permettrait de réduire la dette. Ce n’est pas le cas de cette relance bridée par la politique menée par Macron et l’Union européenne au nom des multinationales : «  En laissant les dépenses publiques suivre leur évolution spontanée, la dette continuerait durablement de croître  ».

D’ores et déjà la dette Covid de la Sécurité sociale doit être remboursée d’ici 2033, c’est voté. Et on sait qui paie : les salariés et retraités par la CSG et la CRDS.

Mais ça ne leur suffit pas. Ils veulent augmenter la dose de leurs potions habituelles : augmenter les aides aux entreprises et baisser les dépenses publiques.

« Retrouver la maîtrise de nos dépenses publiques », en faisant pire que Sarkozy et Hollande.

La communication, c’est bien sûr « des dépenses efficaces pour favoriser la croissance, l’inclusion et les transitions écologique et numérique ».

La réalité est la suivante. Evolution des dépenses en volume :

2007 – 2012 (Sarkozy) : + 1,4 % / an 2012 – 2017 (Hollande) : + 1 % / an 2022 – 2027 (Macron) : + 0,7 % / an

Tous les secteurs sont concernés : État, Sécurité sociale, chômage, collectivités locales, SNCF, EDF, …

La protection sociale devra redevenir excédentaire dès 2023.

Il ne s’agit pas que de budget : ils veulent poursuivre leurs contre réformes.

« Poursuivre les réformes structurelles favorables à l’activité, ainsi que l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique ».

Plusieurs sont en cours : la loi 4D qui ne concerne pas que la fonction publique, mais aussi la SNCF, les routes nationales,… et remet en cause le principe de l’égalité républicaine. Et Hercule à EDF, La Poste, Le chômage, ADP, Air France,….

- Crainte du mouvement social : le gouvernement hésite sur la date de reprise de la réforme des retraites, mais pas sur l’objectif. Et de toute façon pour 2022, comme vu ci-dessus, il n’y a pas de budget.

Le rapport Arthuis propose une nouvelle gouvernance : dans la foulée de la présidentielle et de la législative, il y aurait le vote d’un engagement budgétaire pour le quinquennat de façon à le rendre irréversible, même par la Parlement. Décidément, les espaces démocratiques fondent comme neige au soleil.

Le programme de stabilité français s’inscrit dans le programme de stabilité européen dont Macron est chaud partisan. Austérité en France, austérité partout en Europe. Par exemple en Espagne, qui reçoit des « aides » européennes, le gouvernement négocie avec Bruxelles pour qu’on lui laisse le temps de mise en œuvre d’une nouvelle contre-réforme du code du travail.

On a les informations, au mouvement social d’élaborer sa stratégie de lutte.