Journal Resistance Sociale n° 200
Février 2021
Mis en ligne le 4 mars 2021

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p. 2 : lnternational / p.3 à 6 : Place au débat (Le médicament) / p.7 : Actualité sociale (construction navale - Projet Hercule) / p.8 : Coup de gueule / Avez-vous remarqué ?

L’édito de Marinette Bache

La vie des Français est rythmée depuis presque un an par les exigences liées à la crise du covid… et à la manière dont le gouvernement la gère. Beaucoup sont lassés, inquiets pour ne pas dire exaspérés. Mais il n’est pas sûr que cet état d’esprit ne soit dû qu’à la crise sanitaire. Voici pratiquement 40 ans que nous vivons sous l’idéologie du libéralisme qui a reçu en ces 4 décennies divers épithètes : du libéralisme dit « social » à « l’ultra » libéralisme.

Mais, direz-vous, la gauche a, pendant cette période, occupé plusieurs fois la tête de l’Etat ! En effet, les élections se sont succédées et ont vu s’installer une forme d’alternance, une alternance partidaire… mais ni économique et sociale ni politique. 1981 avait vu se lever un véritable espoir ; il a été rapidement déçu lorsque le gouvernement de François Mitterrand a décidé d’ouvrir une « parenthèse » qui n’a jamais été refermée, qu’on n‘a jamais cherché à refermer. Dès 83, c’est le tournant de la rigueur où, comme le chante Jean Ferrat, il devient commun de penser que « les idées archaïques ne feront qu’aggraver la crise économique ». « Archaïques » égalent « solidaires », égalent « justes », égalent « volontaristes »… Les élections qui ont suivi ont toujours répondu au même souhait des Français : sortir les sortants. Ce n’est certes pas l’adhésion à un projet politique ; c’est cependant un signe fort que les politiques qui dirigeaient la gauche de l’époque n’ont jamais voulu voir : le rejet de la politique menée. Les Français ne se sont pas laissés abuser bien longtemps par cette gauche qui, à la fois, les abandonne et s’abandonne elle-même : c’est la montée de l’abstention et l’apparition du FN dans le paysage électoral.

Il faut dire qu’au nom de la « modernisation », on a tourné le dos aux valeurs de la gauche, pire à la gauche, à son électorat naturel, à ceux qui gagnent leur vie par leur travail, au peuple. On a mené une politique - c’est normal pour la droite, c’est incompréhensible lorsqu’on se réclame du socialisme - au service du patronat, devenu essentiellement financier. Délocalisations, hausse du chômage, baisse des salaires, attaques contre les droits des salariés, contre la sécurité de l’emploi
- présentée comme une « entrave » à l’économie -, contre la sécurité sociale
- dont on oublie qu’elle n’appartient qu’aux travailleurs -, privatisations des principaux outils de production, suppression ou/et casse des services publics, appauvrissement de la fonction publique, indigence des retraites et des diverses allocations, paupérisation des moyens de l’Etat au service de l’égalité des Hommes et des territoires,… ont été la marque de lois successives. Toutes ont été contestées, ont fait l’objet de manifestations et de grèves. Toutes, cependant, ont été votées par des majorités discréditées mais aux ordres.

A l’exception de l’expérience, bien courte, du Front de gauche, cette politique n’a jamais fait l’objet d’une remise en cause globale et réelle. La pandémie est l’occasion pour ce gouvernement d’amplifier ce mouvement. De nouveau les droits des salariés sont mis en cause, amoindris ou supprimés au prétexte de la situation d’exception que nous vivons. « L’après ne sera pas comme l’avant » avait dit Macron. Bien peu sans doute avaient pu croire que cette déclaration augurait des jours meilleurs. Aujourd’hui chacun peut voir qu’il s’agit seulement d’amplifier les ravages du libéralisme. (...)

A un peu plus d’une année d’une élection présidentielle cruciale, il est temps d’interpeler la gauche. Aura-t-elle le courage d’inverser le cours de ces dernières décennies ? Aura-t-elle la volonté de s’opposer à la fin du système social français, héritier du programme du Conseil National de la Résistance, qui, sans instaurer le socialisme, avait fait de notre pays l’un des plus dignes de sa devise ?

Eh bien, on peut l’espérer car si la gauche française n’a pas été, ces derniers temps, des plus courageuses, elle n’est pas idiote et elle a constaté que l’opinion française, les gilets jaunes en étant le révélateur et le covid peut-être l’accélérateur, a évolué. Les nombreux collectifs de défense des services publics menacés de fermeture, les nombreuses grèves contre la délocalisation des usines et pour la préservation de l’emploi sont la preuve qu’on ne fait plus tout avaler à notre peuple au nom du « on ne peut pas faire autrement ».

Les Français recommencent à comprendre que l’intérêt général se confond avec leurs intérêts particuliers et pas avec celui de la Finance… surtout après que les États - et « l’Europe » - aient sauvé les banques après la dernière crise financière alors qu’il n’y a jamais d’argent pour ceux qui vivent de leur travail. Les Français retrouvent le chemin du choix politique et veulent redécider eux-mêmes et ici ; ça s’appelle la souveraineté populaire. Cela va être le boulot de tous les militants – y compris ceux de RESO - de le faire comprendre aux aspirants à la fonction suprême… en attendant de se débarrasser de cette constitution si peu républicaine !

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