Hospitalisation : vers l’installation d’un système à l’américaine
Par Marie BERTHOMMIER - Bulletin RESO n° 189 - Février 2020
Mis en ligne le 27 février 2020

L’hôpital public va mal, l’hôpital public va très mal.

Certes, ce n’est pas nouveau. Depuis des années les syndicats des personnels non médicaux, quelquefois soutenus par les médecins, attirent l’attention sur la dégradation de l’univers hospitalier, conditions de travail insupportables, suppressions de postes, accueil incertain des patients, suppressions de lits.

Mais, depuis 3 ans, un nouveau cap a été franchi. Il est rapidement devenu évident que ce gouvernement veut en finir avec le secteur public de la santé. Aux côtés des diverses attaques contre le système de protection sociale, la bataille pour la privatisation du secteur hospitalier est en marche. Pour cela il faut d’abord tuer l’hôpital public. C’était la mission de Buzyn, qui a bien travaillé : fermetures de 4500 lits, d’hôpitaux de proximité, de maternité. C’est Véran qui est chargé de continuer -si ce n’est d’accélérer- le travail. C’est lui qui, député, voulait, par un amendement, rayer le terme de Sécurité Sociale de la Constitution.

Ils ont une réussite à leur actif : celle d’avoir dressé contre eux plus de 1100 chefs de services hospitaliers qui ont démissionné de leur fonction administrative ! Inédit !

Le mouvement social dans les hôpitaux s’est généralisé depuis mars 2019. À l’été, peu à peu, les médecins ont rejoint le mouvement. En septembre, ils étaient fédérés à travers le « Collectif inter-hôpitaux » qui est à l’initiative de cette démission collective.

Ce sont à la fois des questions de manque de moyens et des questions d’éthique qui ont poussé les médecins à cette décision. Ils rappellent qu’ils sont devenus, contre leur gré, des acteurs de la gestion comptable de l’hôpital public, contraints de passer grande partie de leur temps à remplir des tableaux « Excel » qui permettront de les « noter » sur leur « efficacité. Dans le même temps ils doivent choisir entre des patients selon leur « rentabilité ». Insupportable pour qui est censé, avant tout, prodiguer des soins à tous les malades sans distinction de fortune.

Ils dénoncent la fameuse T2A qui rémunère les médecins selon leur activité. Redoutable piège –qui ressemble à celui de la retraite par points- car si l’activité augmente, il suffit de baisser les tarifs pour rester dans une enveloppe budgétaire prédéfinie. Et c’est ce qui a été fait. Le collectif a ainsi pu établir que 8 milliards d’économie ont été faits sur le dos de l’hôpital, donc des patients.

Ce qui est appliqué, depuis des années, aux soignants : non remplacement de postes lors des départs en retraite entrainant des conditions de travail impossibles, s’applique désormais au personnel médical.

Les médecins eux-mêmes s’en sont rendu compte et le disent à travers leur mobilisation d’aujourd’hui : le but est clair, il s’agit de transformer les hôpitaux actuels en dispensaires pour pauvres. Et de réserver l’hospitalier, le secteur noble, au privé… et à ceux qui pourront se le payer. N’oublions pas que le but parallèle de Véran est de supprimer la Sécurité Sociale et de laisser le champ libre aux assurances et à ceux qui auront la possibilité de les payer. La boucle est bouclée.

Bref il s’agit d’installer le système qui est aujourd’hui remis en cause aux États-Unis.