Brésil, Chili et Bolivie
Journal RESO n° 187 - Décembre 2019
Mis en ligne le 15 décembre 2019

En Amérique latine, le libéralisme n’a pas hésité à s’allier au fascisme. Déjà Bolsonaro s’était emparé du pouvoir au Brésil après qu’une pseudo-justice ait emprisonné Lula. Malgré la corruption généralisée, y compris concernant sa propre famille, le président d’extrême droite gouverne aujourd’hui avec la bénédiction des puissants. Il vient de lancer ce jeudi 21 novembre l’Alliance pour le Brésil, un nouveau parti mettant en avant un slogan cher aux évangéliques : Dieu, la famille et la patrie. A l’ordre du jour, « la défense de la vie humaine dès la conception » comme « le rejet du socialisme et du communisme »…

Au Chili, les « pinochistes » reprennent du poil de la bête immonde. Le pays connaît sa plus grande mobilisation sociale depuis la fin de la dictature de Pinochet en 1989. C’est la hausse du ticket de métro qui a été la goutte d’eau. La nuit du 17 au 18 octobre, Santiago s’est embrasé : stations de métro incendiées, des supermarchés également. Le président de droite Sebastián Piñera décrète l’État d’urgence et un couvre-feu. À Santiago, les militaires sont déployés dans les rues. Escalade de violence. Le 25 octobre, plus d’un million de personnes manifestent dans tout le pays contre la vie chère. Le Chili est l’un des vingt pays les plus inégalitaires du monde. Le néolibéralisme régit l’économie du pays, depuis les années 1980. Santé, retraites, éducation sont aux mains du privé. Un Chilien sur deux gagne moins de 450 euros par mois, tandis que 1% des plus riches concentrent 26,5% du PIB du pays.

D’après le rapport d’Amnesty International, ce jeudi 21 novembre la répression se base sur un usage de la force « excessif » avec « l’intention de blesser et punir la population qui manifeste » La directrice pour les Amériques de l’ONG, indique que « l’intention des forces de l’ordre chiliennes est claire » : « blesser les manifestants pour dissuader la mobilisation ». "En arrivant à des extrêmes, comme la torture et la violence sexuelle contre les manifestants". Via aussi « l’usage constant et inadéquat de fusils ». Les violences policières ont également lieu dans les commissariats. En un mois, plus de 6 300 personnes ont été arrêtées avec de « très nombreux cas de torture ». Le rapport évoque 1100 plaintes pour « torture et traitements cruels » - reconnues par le parquet chilien, et « seize plaintes pour viols ou abus sexuels présumés commis par les forces de sécurité ».Albertina Martínez Burgos, 38 ans, photographe et reporter chilienne qui couvrait les manifestations au Chili a été retrouvée morte chez elle. Ses disques durs et toutes ses photos ont disparu. Sa famille réclame une enquête indépendante sur ce décès qu’elle qualifie d’assassinat politique. Une autre femme très impliquée dans ces manifestations Daniela Carrasco, artiste de rue de 36 ans, a été retrouvée pendue à un arbre. Elle aurait été violée et torturée avant de mourir. Seule avancée : les partis politiques sont parvenus, vendredi 15 novembre, à un accord historique au Parlement. Objectif : organiser un référendum en avril 2020 afin d’adopter une nouvelle Constitution, remplaçant celle héritée il y a trente ans de la dictature d’Augusto Pinochet.

En Bolivie, l’armée, et les évangélistes ont apporté leur soutien aux libéraux pour renverser Evo Moralès, le président élu. Il semble clair que les Etats-Unis ne sont pas innocents dans le montage de ce coup d’État. Moralès a d’ailleurs reçu le soutien de Bernie Sanders. « Je suis très préoccupé par ce qui semble être un coup d’État en Bolivie, où l’armée, après des semaines de troubles politiques, est intervenue pour destituer le président Evo Morales », a tweeté Sanders. « Les États-Unis doivent appeler à la fin de la violence et soutenir les institutions démocratiques de la Bolivie ». il est également soutenu par Rigoberta Menchú,. La Prix Nobel de la paix en 1992 a adressé une lettre au secrétaire aux Affaires étrangères dans laquelle elle remerciait, au nom des peuples autochtones d’Amérique latine, Evo Morales, ancien président de la Bolivie. « Notre frère Evo a été un dirigeant et un président exemplaire, qui a toujours démontré ses capacités pour le peuple bolivien ».Si le président a reçu l’asile politique au Mexique, ses partisans font l’objet d’une répressions sanglante : La Commission interaméricaine des droits humains a confirmé les morts de paysans dans la région de Cochabamba ainsi qu’un nombre important de blessés. Elle a dénoncé dans un communiqué "l’usage disproportionné de la force policière et militaire", notamment des armes à feu pour réprimer des manifestations. Pendant ce temps, la présidente évangéliste, Bible à la main, se lance dans une nouvelle inquisition pour massacrer les "Indiens sataniques". Sur le plan politique Sergio Choque, leader de la majorité du Mouvement Al Socialismo (MAS), a été élu jeudi matin à la présidence de la Chambre des députés de Bolivie. Dans ses premières déclarations, Sergio Choque a demandé "aux secteurs mobilisés de cesser les violences ".Il a critiqué la répression policière contre les partisans de l’ancien président Evo Morales. Il a également annoncé qu’il présenterait à la Chambre un projet de loi visant à renvoyer l’armée dans ses casernes. Sergio Choque a dénoncé "au monde entier la violation des droits fondamentaux, du droit à la liberté d’expression, à la vie et à l’éducation, les droits violés par ce coup d’Etat en complicité avec la police et les forces armées". Lors des élections du 20 octobre, le MAS, dirigé par Morales, a obtenu plus des deux tiers des voix dans les deux chambres de l’Assemblée plurinationale, le parlement bolivien.