Un Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020 très "americain"
Article de Jean-Claude Chailley publié dans le n° 185 du journal Resistance Sociale
Mis en ligne le 5 novembre 2019

Ce projet de loi ne peut s’analyser uniquement d’un point de vue budgétaire. Digne de Kessler, il marque la volonté de se débarrasser de la Sécu vers le « modèle » des Etats Unis :

RUPTURES SYSTEMIQUES CONTRE LA SECU DEBUT DE MISE EN ŒUVRE DE LA REFORME DES RETRAITES

Ce PLFSS 2020 essaie d’imposer ce qu’aucun gouvernement avant Macron n’avait osé :

- Il organise une RUPTURE SYSTEMIQUE avec les fondamentaux de la Sécu.
- Il commence la mise en œuvre de la réforme des retraites, pendant les concertations.
- Il affiche un nouveau « trou » - inexistant - de 5,5 et 5,6 milliards en 2019 et 2020.
- Il coupe plus de 4 milliards sur le budget 2020 santé / hôpital / EHPAD…, annonce encore plus de coupes en 2021 – 2022 – 2023.
- Derrière le refus de revaloriser les retraites de l’inflation, sauf les petites, se cache une réforme systémique de la Sécurité Sociale.

Contrairement aux affirmations de Mme Buzyn et M Darmanin, l’ARGENT EXISTE DEJA ! TOUS LES SYNDICATS ONT VOTE CONTRE CE PLFSS.

Ce PLFSS, comme la loi de finance, souffre de la politique de Macron, de l’Union européenne, qui attaque en permanence le niveau de vie de la quasi-totalité de la population au bénéfice d’une poignée de milliardaires : 171 milliards de dividendes en 2018.

A 12 ans les enfants intègrent déjà que l’avenir est noir !

I) Non, il n’y a pas de « rechute » du « trou » de la Sécu mais une manipulation. Les recettes de la Sécurité sociale sont plus que suffisantes pour assurer un PLFSS correct.

- En 2020 nous rembourserons 16,7 milliards de dette sociale via la CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale, 188 milliards étant déjà remboursés). Pareil les années suivantes pour qu’elle soit remboursée en théorie en totalité d’ici 2024.

C’est comme si le gouvernement remboursait la dette de l’Etat au rythme de 400 milliards par an. Aucun service public ne fonctionnerait, aucun fonctionnaire, cheminot, infirmier, postier, policier,… ne serait payé. Impossible ! Donc le gouvernement ne le fait pas.

Il y a beaucoup à dire sur l’origine de la dette de l’État, de la dette de la Sécu, le collectif d’audit citoyen de la dette publique l’a fait, nous n’y revenons pas ici. Mais pourquoi rembourser la seule dette de la Sécu à ce rythme infernal ? Par idéologie !

- En 2020 il y aura 70 milliards (*) d’exonérations et exemptions de cotisations sociales (salaire qui est socialisé). En réalité, 10 milliards y échapperont, mais pour la 1ère fois avec le principe officiel de ne pas compenser des exonérations à la Sécu.

- Du point de vue Sécu plus de 20 milliards sont donc immédiatement disponibles sans même faire intervenir d’autres sources de recettes comme revenir sur les exonérations, l’emploi, les salaires, l’égalité femmes – hommes,…

(*) Lorsque l’Etat compense, 70 – 10 = 60 milliads à la Sécu, c’est autant qui manquent aux services publics qui en ont tant besoin.

II) Pourquoi cette politique ?

- Parce que le MEDEF veut encore plus d’exonérations, encore moins d’impôts et taxes. Parce que les gouvernements et l’Union européenne exécutent ses exigences sous l’appellation « politiquement correcte » de « dépenses publiques » trop élevées.

- Parce que moins il y a de Sécu, plus il y a d’assurances privées, capitalisation,…

III Des mesures structurelles pour tuer la Sécu et les 42 régimes de retraites

► Décider officiellement de ne plus compenser des exonérations de cotisations sociales à la Sécu, ce n’est pas une mesure budgétaire, c’est décider d’achever la Sécu d’Ambroise Croizat.

En 2020, 3,4 milliards, les exonérations « gilets jaunes » et autres, ne seront pas compensées. Sous une communication faussement populaire, « c’est la même poche », Darmanin donne les vraies raisons : absorber la Sécurité Sociale dans l’Etat.

• Dire c’est la « même poche » c’est dire qu’il ne doit plus y avoir de différence entre Etat et Sécurité Sociale, donc que la Sécu, de plus en plus fiscalisée, doit cesser d’exister. • NON, M Darmanin, les cotisations dites « patronales » et nos impôts, taxes, CSG, qui compensent leurs exonérations, ce n’est pas « la même poche ». L’une se remplit, celle des actionnaires, pendant que l’autre se vide, celle des salarié-e-s ! • Dans le même objectif, ils commencent la fusion de l’URSSAF (Sécurité Sociale) et de la DGFiP (finances publiques). • Il faudra suivre de près la réforme de la Constitution, la suppression du terme « sécurité sociale » ayant été envisagée puis retirée devant le tollé.

► La mise en œuvre de la réforme à points commence pendant les « concertations », avant même un éventuel projet de loi, méprisant les syndicats et les parlementaires.

Le projet de loi démarre « l’unification du recouvrement dans la sphère sociale » : les cotisations Agirc-Arrco, régimes spéciaux, employeurs publics,… seront versées à l’URSSAF, la banque de la Sécurité Sociale.

Ce PLFSS est la première phase de disparition des régimes complémentaires du privé, des régimes spéciaux, de la fonction publique, qui en même temps achève leurs statuts.

► Pour les retraité-e-s, il est créé un « compte individuel centralisant les aides financières de chaque utilisateur ».

Ce compte individuel inclue le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile et les aides octroyées par les départements (Allocation Personnalisée d’Autonomie – APA – et Prestation de Compensation du Handicap – PCH -).

- On se rappelle Macron : les aides sociales « coûtent un pognon de dingue ». Ce compte individuel c’est le filet de sécurité de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

- Lorsque Macron décide de ne pas revaloriser les pensions de l’inflation (sauf les petites pensions, suite aux mobilisations) il vise la baisse continue des pensions, le nivellement par le bas, jusqu’à ce qu’elles atteignent le filet de sécurité pour pauvres. C’est Medicare/ Medicaid aux États-Unis, c’est le passage du DROIT fondateur de la Sécurité sociale à l’ASSISTANCE pour pauvres.

Frédéric Bizard, économiste de la santé : « cela fait aussi des années qu’on fait de la Sécu ce qui n’est pas sa mission première, une institution d’assistance aux plus défavorisés. Déprécier la qualité de la protection sociale des classes moyennes, comme c’est le cas pour les pensions, la santé et la politique familiale, conduit notre modèle social vers le modèle anglo-saxon du « safety net » (= filet de sécurité), en effet du ressort de l’État. Il reste plus qu’à conditionner le remboursement des dépenses de santé aux conditions de revenus et la bascule sera réalisée »

L’ONDAM, Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie. C’est le budget de la branche maladie de la Sécu. 217 milliards de dépenses en 2020, + 2,3 % seulement.

► Alors que les déserts médicaux couvrent toute la France, qu’il y a la crise des urgences, de l’hôpital public, par manque de médecins, par manque de lits d’hospitalisation, par des salaires des soignant-e-s pratiquement les plus bas de l’OCDE, le gouvernement aggrave la situation en baissant l’ONDAM qui était de 2,5 % en 2019 et prévoit encore pire les années suivantes puisque l’ONDAM reste à 2,3 % jusqu’en 2023 alors que l’inflation doit augmenter.

► Pour l’hôpital l’ONDAM est de 2,1 %, réalisant une économie de 4,2 milliards totalement inacceptable et rejetée par tous les syndicats.

Il faut un ONDAM à 5% (hôpitaux, EHPAD, …), des augmentations de salaire, l’arrêt de la fermeture des lits et la réouverture de ceux qui sont nécessaires, des embauches. Rien qu’en EHPAD il faut 40 000 embauches immédiatement, 200 000 à terme. Le PLFSS, son budget « contraint », est à des années-lumière de ces exigences.

► Extraits de l’appel unitaire « Ensemble pour défendre notre système de santé et d’action sociale ». Cet appel concerne les usagers, car c’est du nécessaire combat commun personnels – usagers qu’il s’agit : sous-effectifs, manque de lits, salaires : on constate une multiplication des conflits et luttes menées dans les établissements de Santé et d’Action sociale qui touchent tous les secteurs d’activités…

Ce sont 8,4 milliards d’économies imposées aux hôpitaux, entrainant la fermeture de 100 000 lits, de 95 services d’urgences et la disparition de la moitié des maternités sur le territoire en 20 ans ! …

Les organisations syndicales représentatives médicales et paramédicales CFE- CGC, CFDT, CGT, FO, SUD, AMUF, le collectif Inter Urgences, le printemps de la Psychiatrie et la Coordination Nationale de Défense des Maternités et des Hôpitaux de Proximité, réunis ce mardi 25 septembre 2019 à Montreuil, appellent à la mobilisation des salarié.e.s et des usag.è.r.e.s pour défendre notre système de Santé et d’Action Sociale ».

- Ont été ou sont engagés des AG, manifestation des pompiers, conférence de presse… le 29 octobre, jour du vote du PLFSS en 1ère lecture à l’Assemblée nationale, grève et manifestation le 14 novembre.

- Nous dénonçons la T2A – Tarification A l’Activité -, conception de « l’hôpital entreprise » opposée au service public. Le gouvernement la remplace pour les ALD (diabète …), maladies couteuses, par la forfaitisation. Cette forfaitisation importée elle aussi des Etats-Unis (« bundle payment »), fait courir un risque de rationnement des soins.

- Le PLFSS institue un financement particulier pour les hôpitaux de proximité publics ou privés. Ces « hôpitaux » ne sont pas ou plus des hôpitaux car ils n’ont ni urgences, ni chirurgie, ni obstétrique. Les hôpitaux de proximité publics peuvent rémunérer des médecins, infirmières… libéraux. Ce sont des outils de privatisation, de dynamitage des statuts conformément à la loi Dussopt de transformation de la fonction publique.

Jacques Attali : « On verra, on voit déjà, se mettre en place une « Uber médecine », où les personnels seront anonymisés, prolétarisés, pour le plus grand profit des compagnies qui les emploieront, des assureurs qui les financeront, et des gestionnaires de données, qui ne seront pas loin. L’espérance de vie, et surtout l’espérance de vie en bonne santé, diminuera, comme elle commence d’ailleurs déjà à le faire dans certains groupes sociaux aux États-Unis ».

- Au total 2/3 des maternités ont été fermées en France, et ça continue. L’éloignement met en danger la vie des femmes et de leur bébé. Réponse du gouvernement (article 37) : » une prestation d’hébergement temporaire non médicalisé » loin de chez elles !

- Les fermetures d’hôpitaux et maternités partout en France entraînent une augmentation de 4,6 % par an des frais de transport depuis 2012. Au lieu de s’en prendre à la cause, ils veulent les rationner !

RETRAITES : nouvelle baisse du pouvoir d’achat des retraité-e-s, début de mise ne œuvre du rapport Delevoye de réforme des retraites (règle d’or, vers 10 – 15 milliards d’économies !).

- Nouveau viol du Code de la santé : les pensions ne seront revalorisées que de 0,3 %, moins que l’inflation, sauf les pensions inférieures à 2000 / 2014 € par mois.

- Ils considèrent que la non-revalorisation est désormais LA NORME puisqu’ils parlent « d’effort financier » pour les petites pensions !

Le remplacement du DROIT acquis par le versement de cotisations sociales par L’ASSISTANCE POUR PAUVRES c’est la mise en œuvre du RAPPORT DELEVOYE qui concerne aussi directement les retraité-e-s.

RETRAIT DE LA REFORME A POINTS !