La situation politique en Espagne après les derniers scrutins
Une libre analyse de Philippe REIG publiée dans le n° 183 du journal RESO (juillet-août 2019)
Mis en ligne le 24 septembre 2019

La situation en 2015

Les Espagnols subissent les conséquences de la crise économique et des politiques d’austérité : chômage (plus de 21%), précarité, pauvreté. La corruption et la fraude se généralisent et touchent aussi bien des patrons, des dirigeants politiques que même des membres de la famille royale.

Le 9 novembre 2015, le Parlement catalan vote une résolution séparatiste lançant le processus pour créer un « État catalan indépendant ». Le texte est annulé par la Cour constitutionnelle espagnole.

L’évolution de la société espagnole entraîne une fracture entre 2 Espagne : une de plus de 55 ans et surtout rurale, et une autre plus jeune et plus urbaine. La première évoluant plus lentement que la seconde.

Deux nouveaux partis Podemos à gauche et Ciudadanos à droite apparaissent dans le champ politique. Podemos est la continuation politique du mouvement des Indignés. Cela se voit dès l’élection européenne du 25 mai 2014 ou le PSOE perd 9 sièges et le PP 8. La Gauche plurielle a 6 sièges (+4), Podemos 5 sièges (+5), UPyd 4 sièges (+3), Ciudadanos 2 sièges (+2). Aux élections municipales du 24 mai 2015, la gauche antilibérale prend Madrid, Barcelone et Valence (soit les 3 villes les plus peuplées d’Espagne), ainsi que Saragosse et Cadix.

20 décembre 2015 élections générales

C’est la confirmation de la fin du bipartisme, les anciens grands partis PSOE et PP n’ont plus la majorité absolue tout seul. D’où l’obligation de nouer des alliances pour former un gouvernement. Cela est quasiment impossible. A gauche, tout accord entre le PSOE et Podemos bute sur la question sociale et la question territoriale.

Le 22 janvier 2016, Rajoy annonce qu’il renonce à former un gouvernement faute de soutiens.

Finalement, l’accord entre le PSOE et Ciudadanos est rejeté le 2 mars puis à nouveau le 4 mars. Ce qui entraine de nouvelles élections.

26 juin 2016 élections générales

Sanchez s’oppose à l’élection de Rajoy, la situation est bloquée. Début octobre 2016 Sanchez démissionne de son poste de secrétaire général du PSOE sous la pression des barons socialistes. Le PSOE s’abstient et permet l’élection de Rajoy. Seuls 15 députés socialistes votent contre. Ce n’est donc que le 29 octobre 2016 que Rajoy devient président du gouvernement.

Le 1er octobre a lieu le référendum en Catalogne. Le 27 octobre Rajoy destitue le gouvernement catalan et impose une nouvelle élection en Catalogne pour le 21 décembre. Le 21 décembre 2017, les 3 partis indépendantistes restent majoritaires. On est dans la même situation qu’auparavant. Le 1er juin 2018 la motion de censure est votée avec les voix du PSOE, de Podemos, des Catalans et des Basques du PNV, Rajoy est destitué, Sanchez devient président du gouvernement. Le 2 décembre 2018 a lieu l’élection du Parlement d’Andalousie. L’extrême droite entre pour la première fois dans un Parlement régional depuis le rétablissement de la démocratie en 1978, Vox obtient 12 sièges. La droite est majoritaire et le PSOE perd l’Andalousie qu’il détient depuis 1982. Le 12 février 2019, Sanchez ne parvient à faire voter son projet de loi de finances, il dissout le Congrès des députés et convoque des élections anticipées pour le 28 avril.

28 avril 2019 élections générales

Grace au vote utile, face à la montée de l’extrême droite et de la situation catalane, le PSOE arrive largement en tête des élections et Unidas Podemos baisse. Une deuxième raison de la baisse de Unidas Podemos est la division de Podemos. Le PP s’effondre. Ciudadanos augmente son score. Mais surtout, avec Vox, l’extrême droite entre pour la première fois au Parlement depuis le retour de la démocratie en 1978.

Le PSOE obtient pour la première fois la majorité absolue au Sénat.

26 mai 2019 élection européenne

Les élections du 26 mai confirment les résultats du 28 avril pour le PSOE. Unidas Podemos a perdu du terrain depuis le 28 avril et Podemos a perdu les villes gagnées en 2015 notamment Madrid et Barcelone. Podemos n’est plus en mesure de devancer le PSOE, à cause de ses divisions et ses changements de stratégie. Le PSOE apparait pour les Espagnols comme le seul parti qui puisse s’opposer à la montée de l’extrême droite et trouver une solution à la crise catalane. Toutes les cartes sont dans les mains de Pedro Sanchez. Les milieux financiers et patronaux souhaitent une alliance avec Ciudadanos, mais la droitisation de ce parti, qui se veut leader de la droite, la rend difficile. Espérons que Sanchez fasse l’unité de la gauche, comme le souhaitent les militants socialistes et parvienne à un accord avec Unidas Podemos.

Les Espagnols attendent un projet social après les années d’austérité. Sur le plan institutionnel, ce sera difficile, mais la seule solution est d’aller vers une modification de l’organisation qui date de 1978 et réorganiser l’État espagnol. Restaurer la République, pourquoi pas. Avec plus d’autonomie et une reconnaissance plus forte pour les nations qui constituent l’État espagnol. Cela permettra d’avoir une alternative à l’indépendance de la Catalogne.