Journal REsistance SOciale n° 144
Janvier 2016
Mis en ligne le 20 janvier 2016

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale (Allemagne / Angleterre / Pologne / Belgique) / p.3 à 6 : Place au débat (Panorama santé OCDE : le recul de la France) / p.6 : Communiqué de Résistance Sociale / p.7 : Actualité sociale (Grèves du 26 janvier) / p.8 : Coup de gueule (La violence des riches)

L’édito de Marinette Bache :

Après une fin d’année 2015 terrible, le début de 2016 ne nous engage guère à l’euphorie.

Comment ne pas commencer cet édito par la scandaleuse condamnation des 8 syndicalistes de Goodyear ? 2 ans de prison dont 9 mois fermes. Il s’agit ni plus ni moins que d’une justice de classe au service du patronat et qui nie la conception et la réalité des luttes sociales. On s’étonne que la Garde des Sceaux, si prompte à s’élever, à juste raison, contre la déchéance de nationalité, ne dise pas un mot sur l’iniquité –l’indignité !- de ce jugement. Et on mesure combien il est difficile à ce gouvernement d’assumer qu’il a été élu par et pour les travailleurs. Raison de plus pour saluer la position courageuse de Pascale Boistard, Secrétaire d’Etat aux Droits des Femmes.

A propos de ministre, voici la dernière de Jean-Marie Le Guen qui, dans la droite ligne de Valls, ne nous déçoit jamais. Il fait de l’ingérence dans les négociations entre partenaires sociaux sur l’assurance chômage et c’est pour y défendre une proposition qui ne peut que trouver l’agrément des patrons : diminuer le temps et le montant des allocations ! Ces messieurs-dames ne semblent même pas en mesure d’imaginer que ce que ces « paresseux » (Cf. Gattaz) de chômeurs souhaitent avant tout, c’est de retrouver un avenir. Donc un travail !

On mesure combien le libéralisme a gagné lorsque les dirigeants patronaux peuvent se permettre, non pas sim-plement de se conduire en adversaires du progrès social, mais, et effrontément, sombrer dans l’indécence. Le président du MEDEF déclarant que « la pauvreté n’excuse pas le manque de gout », c’est un expert qui parle ! Mais pas un expert en histoire du Mouvement ouvrier : Gattaz présente le 1er mai comme une fête du travail dénaturée par les syndicats qui en ont fait, je cite, « une fête de la contestation sociale ou de la paresse ». Il se raccroche ainsi à Pétain qui avait débaptisé la « fête des travailleurs » en une « fête du travail et de la concorde sociale » ! Rappelons que le 1er mai s’appelait à l’origine « journée internationale des travailleurs ».

C’est dans ce contexte de tensions sociales à la fois souterraines et exacerbées que le gouvernement veut instaurer une possibilité de déchéance de nationalité pour les binationaux. Chacun sait que cette mesure est d’une totale inefficacité vis-à-vis des potentiels terroristes qui ne se reconnaissent pas dans la Nation française. Et que, plus grave, elle introduirait des catégories de Français, des Français de 1ère classe et des Français de 2nde classe… en sachant que Maxime H. et Mickael D-S. qui, en Syrie, décapitent pour Daesh, appartiendraient à la 1ère. Tout cela n’a aucun sens et ne peut que renforcer l’idée d’une "nation ethnique" plutôt que celle d’une nation républicaine… et plaire à la droite. On finit par se demander si ce n’est pas le but !

Dur début d’année donc. Essayons d’y trouver quelques raisons d’espérer.

On les trouvera d’abord dans le peuple français. Ce peuple qui s’était levé en masse le 11 janvier 2015, sans Johnny Hallyday mais derrière « Charlie », en d’immenses « marches républicaines », rappelant par-dessus les prétendues élites, son indéfectible attachement à la République française, laïque et sociale.

On les trouvera ensuite – mais oui – dans les 50 % d’abstention, et même plus dans certains quartiers, qui refusent d’aller voter pour l’extrême droite alors qu’ils sont, depuis 20 ans, trahis par la classe politique censée les représenter, de la gauche gouvernementale qui pactise avec la finance à l’extrême gauche communautariste complaisante pour tous les « régressismes » religieux. (...)

On les trouvera aussi dans tous les cercles, clubs, associations, mouvements… créés par divers militants de gauche, sincères et pas complètement désespérés, qui veulent permettre, sans les barrières d’intérêts partidaires, d’échanger sur la nécessité et les voies d’une reconstruction de la gauche. Plus institutionnellement, cette volonté est aussi à l’initiative de la création du Front de Gauche, qui, aujourd’hui, s’essouffle, ou, du mouvement des « Frondeurs » qui trouve ses limites électorales.

REsistance SOciale s’était créée, en 2002, sur cette ambition, avec, en plus, la volonté de mettre le projet social au cœur de la rénovation. Nous ne pouvons donc que nous réjouir que d’autres, nombreux, se parlent enfin. Personne n’hésite plus à inviter dans ses propres réunions des partenaires différemment engagés. Cette 1ère étape était indispensable à la reconstruction de la gauche. Nous pensons, à RESO, qu’il est désormais, non seulement possible, mais nécessaire de franchir la marche suivante, celle de la confrontation, respectueuse mais exigeante, des idées et des propositions.

A l’instar de Charb qui disait « J’ai moins peur des anti-laïques que des laïques qui se taisent », nous appliquerons cette maxime à l’ensemble du débat politique et défendrons :

- une République laïque, bien sûr, seule garantie de la liberté d’opinion, du libre débat argumenté en raison, de la liberté et de l’égalité des femmes avec les hommes. Pour cela, combattre, sans concession, tous les intégrismes ;

- une République sociale travaillant à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens dans leur ensemble, ayant pour objectif de permettre à chacun de s’épanouir au maximum de ses possibilités et, avant tout, d’acquérir et d’exercer un emploi dans un contexte protecteur et émancipateur. Pour cela, retrouver le mouvement social et renouer avec le peuple et ses réelles aspirations ;

- une République armée d’outils permettant d’assurer, face à la finance mondialisée, l’égalité des citoyens et des territoires. Pour cela réaffirmer le rôle d’un Etat démocratique, des services publics, la nécessité de renationaliser certains secteurs essentiels pour mener la politique de notre pays ; et revoir son organisation territoriale.

Voici, pour les années qui viennent, les champs d’investigations que RESO va investir. Avec tous ceux qui le souhaiteront !