Journal REsistance SOciale n° 122
Janvier 2014
Mis en ligne le 29 janvier 2014

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale / p.3 et 4 : Place au débat (Construisons les convergences pour imposer une réforme ferroviaire du service public) / p.4 : Communiqué de Résistance Sociale (F. Hollande entend détruire notre modèle social) / p.5 à 7 : Place au débat (« Travailler le dimanche, c’est pas une vie ») / p.7 : Les bras m’en tombent (À propos de Goodyear…) / p.8 : Coup de gueule (L’Union bancaire et le pouvoir d’exproprier)

L’édito de Marinette Bache :

En ce début d’année, je souhaite à chacune et chacun d’entre vous une bonne et heureuse année 2014. Je le ferai en rappelant Victor Hugo : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ». Alors, vivez bien 2014 ! Et à l’écoute de la conférence de presse de François Hollande, j’ai crainte que ce ne soit utile, sinon indispensable.

En effet cette conférence de presse n’a fait que réaffirmer la « pensée » du Président de la République : c’est le "coût du travail" qui est responsable des difficultés rencontrées par les entreprises et ce sont les déficits publics qui fragilisent la société française. Bien loin de ses engagements de campagne où il nous a fait croire ( ?) que son adversaire serait la finance mondialisée, François Hollande n’a fait que confirmer ses orientations depuis le début de son mandat : baisse des impôts des entreprises, baisse de leurs contributions sociales, baisse de la dépense publique.

Bref, pour sauver notre « modèle social », tuons-le !

Après l’ANI (alors déjà, on évoquait la social-démocratie et les contreparties que le patronat ne manquerait pas d’accorder !), après l’augmentation de la TVA, et le CICE, le pacte de responsabilité, qu’il nous annonce, n’est rien d’autre qu’un programme libéral, pas social-démocrate pour deux sous, mais bien social-libéral (si cette expression a un sens…), et tellement moderne qu’il est inspiré de la pensée de Jean-Baptiste Say, théoricien du libéralisme économique du début du 19ème siècle. Le problème, c’est que pour l’avoir expérimentée plus d’une fois, on sait bien que la politique de l’offre n’a jamais (jamais !) créé sa propre demande. François Hollande a donc proposé un « pacte de responsabilité » aux entreprises. Mais il n’a pas attendu que les entreprises y répondent pour leur faire cadeau sans aucune contrepartie de 65 milliards d’aides publiques, sans parler des 20 milliards du CICE ! Depuis bien longtemps -et encore tout récemment donc- on fait des cadeaux aux entreprises qui promettent toujours en retour monts et merveilles, mais le proverbe disant que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » se vérifie à chaque fois.

C’est ce « pacte de responsabilité » que le nouveau patron des patrons, Gattaz, se vante d’avoir inspiré au Président. Et, bien sûr, il n’échappe pas à la règle : les patrons réclament à cor et à cris toujours moins de charges, mais ne veulent surtout pas être contraints à des contreparties. On est loin de la social-démocratie, dont se vante le premier ministre Jean-Marc Ayrault : celle-ci, malgré ses imperfections, repose sur un compromis permanent entre le patronat et les salariés. Il s’agit là, au contraire, d’un blanc-seing donné au Patronat, à qui on accorde, de surcroît, une vieille revendication : la suppression des allocations familiales.

Inquiétons-nous de voir un président issu du Parti Socialiste employer le langage de la droite et reprendre les arguments du patronat ! Les cotisations sociales, Monsieur le Président, depuis la Libération, c’est le salaire différé ; la flexibilisation n’a jamais créé d’emplois : cela fait 25 ans que les « charges » baissent et que la flexibilité augmente, pendant ce temps l’emploi industriel est détruit consciencieusement ! (...)

Une fois de plus donc, ce sont les salariés qui vont être les premières victimes de ce nouveau cadeau aux entreprises, alors que les patrons du CAC 40 et les actionnaires voient leurs salaires et profits augmenter de manière indécente. Y compris les patrons de Dexia, dont les salaires ont augmenté de 30 % en 2013, alors que, dans le même temps, on demande aux contribuables de renflouer les caisses de cette banque franco-belge ! Rappelons que les banques ont distribué 18 milliards de dividendes en 2013. Et dans le secteur industriel, Peugeot, qui a reçu des milliards d’aides publiques pour maintenir des emplois au rabais, a distribué 6 milliards de dividendes à ses actionnaires mais supprimé des postes…

S’étonnera-t-on après cela que depuis 30 ans, les salaires ont perdu autour de 10 points de PIB par rapport aux profits ?

La nouveauté est que cela se fait sous une présidence élue à gauche. François Hollande mesure-t-il la responsabilité qu’il porte en choisissant de ne pas travailler pour ceux qui l’avaient élu pour tourner le dos au libéralisme ?

La sanction tombera certainement aux prochaines élections, municipales et surtout européennes. Il n’est pas sûr pourtant que la réponse de nos compatriotes aille dans le sens d’un choix alternatif à gauche, qui reste à construire.

Pendant ce temps la droite n’est pas seulement occupée de ses querelles internes ; l’orientation gouvernementale lui permet de crédibiliser sa surenchère libérale et elle flirte de plus en plus souvent avec l’extrême droite. C’est particulièrement marquant dans son refus des évolutions sociétales comme le mariage pour tous, une plus grande libéralisation de l’avortement et de la contraception, ou l’objectif d’une véritable égalité et dans tous les domaines entre les hommes et les femmes. Pour cette droite-là, l’Espagne, dont le gouvernement voudrait bien revenir sur le droit à l’avortement, constitue à l’évidence un modèle. Résistance Sociale affirme son soutien aux luttes des femmes espagnoles reprises largement en Europe ; ce pays déjà ravagé économiquement ne doit pas sombrer à nouveau dans l’obscurantisme.

Et le gouvernement français qui se réfugie derrière la promotion de réformes sociétales progressistes doit comprendre que celles-ci ne trouveront leur pérennité que si elles vont de pair avec une société plus juste sur le plan socio-économique.