Journal REsistance SOciale n° 120
Novembre 2013
Mis en ligne le 20 novembre 2013

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale – Les bras m’en tombent / p.3 à 6 : Place au débat (Les services publics au cœur d’une Europe alternative ?) / p.7 : Appel à l’unité contre le démantèlement de la Sécurité sociale (Le budget de la Sécurité sociale doit être sanctuarisé !) / p.8 : Coup de gueule (Déficit : plus on le chasse, plus il s’éloigne)

L’édito de Marinette Bache :

Ainsi donc le gouvernement de F. Hollande et JM. Ayrault mène une politique « courageuse ».

Car faire voter une loi qui repousse la retraite de 60 à 66 ans en imposant 43 annuités, c’est courageux. Car recevoir les patrons (dans l’heure ou presque) quand ils violent la loi sur le travail du dimanche, c’est courageux. Car perpétuer le politique de Mme Bachelot en matière de santé publique et continuer à fermer des hôpitaux, c’est courageux. Car imposer l’ANI contre la majorité des syndicats, détruire ainsi un peu plus le Code du travail et insécuriser les salariés dans leur contrat de travail (à ce jour, 1 000 plans de licenciements reposent sur l’application de l’ANI), c’est courageux. Car limiter l’ambitieuse réforme fiscale promise et augmenter les impôts sur les petites retraites tandis qu’on poursuit les cadeaux au patronat, c’est courageux. Car bloquer le SMIC et refuser de légiférer sur la rémunération des dirigeants des grandes entreprises du CAC40 (13 dirigeants à plus de 240 fois le SMIC…), c’est courageux. Car réduire le nombre de fonctionnaires (je traduis : moins d’enseignants, de policiers, d’infirmiers, d’agents des impôts… et je ne parle pas des coupes dans le secteur public) pour pouvoir annoncer fièrement que le déficit public sera ramené à moins de 3% pour « satisfaire les objectifs européens », oublier que le service public est tout ce qui reste pour empêcher la France d’éclater, oublier que la fraude fiscale prive l’Etat de milliards d’euros, c’est courageux. Car ne rien intenter contre la FNSEA et le MEDEF lorsqu’ils saccagent les biens publics mais refuser l’amnistie à des salariés en perte d’emploi, c’est courageux.

Bref, vous l’aurez compris, être courageux pour un gouvernement de gauche, c’est mener une politique sociale et économique de droite. C’est considérer que les engagements de la campagne présidentielle ne valent que « promesses électorales », c’est-à-dire pour ceux qui ont eu la naïveté d’y croire. Mais ceux qui y ont cru, M. le Président, ce sont ceux qui vous ont porté au pouvoir – car pour la droite et les patrons, vous n’en ferez jamais assez ! Quant à ceux qui ont viré Sarkozy en mai-juin 2012, s’ils l’ont fait sans grandes illusions –peu confondaient socialisme et « hollandisme »- ils espéraient au moins que vous n’aggraveriez pas la politique antérieure.

Ceux qui regrettent que le peuple français attende plus d’un gouvernement élu à gauche que d’un gouvernement de droite ont tort. Ce devrait être l’honneur de la gauche que les salariés espèrent en elle. Et, un an ½ après l’élection de F. Hollande, les Français sont tellement désabusés que leur rejet du politique n’a jamais été aussi grand ; si le Président est à 20% d’opinions favorables, aucune autre personnalité n’a la cote, d’autant qu’aucune alternative politique potentiellement majoritaire ne s’impose. (...)

Les plans dits « sociaux » s’alignent les uns après les autres, et pas seulement en Bretagne, ceci sans rien d’autre que de bonnes paroles gouvernementales. Au contraire, ils sont favorisés par le fameux accord de « sécurisation de l’emploi » : Doux, Gad, Armor-lux, La Redoute, Alcatel-Lucent après Pétroplus, Peugeot-Citroën, Mittal, etc.

Quand il n’y a plus d’espoir, les salariés, les chômeurs, les petits artisans, les petits paysans, … n’ont plus d’autre moyen d’expression que la violence et défilent aux côtés des agriculteurs de la FNSEA et des patrons du MEDEF. Il ne faut pas s’en étonner.

De même qu’il ne faut pas s’étonner du renouveau du Front national, vote de désespérance. Non, notre peuple, qui au cours de son histoire s’est construit sur des immigrations successives, n’est pas raciste. Notre peuple a peur des lendemains qu’on lui prépare. Il appelle au secours. On ne lui répond pas en le traitant de fasciste mais en lui donnant du travail, un salaire décent… et de l’espoir.

La gauche doit se reconstruire en partant des préoccupations et des intérêts réels des travailleurs. Sans cela, les organisations syndicales tourneront à vide sans prendre prise sur la masse des salariés et ne créeront pas de rapport de force. Sans cela, les partis resteront soit des caisses de résonance pour imprécateurs, soit des caissons creux pour apologistes des « réformes courageuses ».

Y a-t-il encore une lumière qui brille, me direz-vous ? Peut-être. Beaucoup, au Front de gauche, ont compris la nécessité de se dépasser et de travailler à la reconstruction, sans ostracisme, de l’ensemble de la gauche. Au PS, des députés refusent de voter l’ANI, des milliers de militants s’opposent à la régression sociale sur les retraites. Résistance sociale reste attentive à ces initiatives et favorisera tous les échanges possibles.