Journal REsistance SOciale n° 119
Octobre 2013
Mis en ligne le 21 octobre 2013

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale / p.3 et 4 : Place au débat (Travailler plus pour gagner plus) / p.5 : Résistance Sociale soutient… (Jaurès, une voix pour la paix) / p.6 : Actualité sociale (J.P.Morgan réclame des régimes autoritaires en Europe) – Les bras m’en tombent (Des salariés licenciés appelés à former leurs successeurs polonais) / p.7 : Coup de gueule (Démocratie ou gouvernance ?) / p.8 : Notes de lecture

L’édito de Marinette Bache

Ces derniers jours ont donc été consacrés au « débat » sur le travail le dimanche. Peut-on parler d’un « débat » quand les médias qui le mènent à sens unique (à croire qu’ils sont aux ordres des grands financiers) n’hésitent pas à passer en boucle les déclarations d’une prétendue vendeuse de Séphora, qui, outre qu’elle est militante UMP, est en réalité acheteuse et ne travaille pas le dimanche... Sur ce sujet, on a droit à tous les poncifs de la mauvaise foi. Depuis les sondages, aux questions orientées, en passant par le matraquage assurant que « les Français » y sont majoritairement favorables, jusqu’à une méconnaissance crasse du dossier (celui de Michel Jallamion, dans ce numéro, dans un point fouillé, rappelle toutes les autorisations déjà existantes accordées au travail le dimanche), cette affaire est révélatrice du rôle des médias : être au service d’une idéologie réactionnaire dont un des premiers buts est la casse du Code du travail, comme de toutes les protections que les salariés ont imposées au patronat par leurs luttes au cours du temps.

Ce qui ne manque pas de nous étonner, à Résistance Sociale, c’est la rapidité avec laquelle le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est prêté à ce jeu. Quel est le sens de réunir – si vite – une table ronde sur cette question si ce n’est d’ouvrir la porte à une nouvelle remise en cause du Code du travail ? La mansuétude avec laquelle sont traitées des enseignes de bricolage qui bravent la loi tranche avec le refus de l’amnistie des syndicalistes qui défendaient leurs emplois avec la vigueur du désespoir !

Le deuxième sujet, c’est la « réforme » des retraites. « Réforme » puisque voilà maintenant 25 ans qu’on affuble de ce vocable toutes les régressions sociales.

Le Président Hollande, qui veut jouer le bon élève bruxellois, ne cache pas que le résultat de cette réforme sera de reporter à terme de 4 ans le départ réel en retraite. Je ne reviendrai pas sur le fond de cette question précise : les deux dossiers précédents de Réso, argumentés par Jean-Claude Chailley, démontrent clairement que d’autres pistes, de gauche, sociales, crédibles et financées, sont possibles. Je m’étonnerai simplement de la façon d’opérer du gouvernement qui a déjà pris en compte dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) toutes les dispositions financières de sa réforme... avant qu’elle soit votée à l’Assemblée nationale et au Sénat ! Curieuse conception du débat parlementaire. Réjouissons-nous de la pétition « Socialistes pour les retraites » même si, malgré les 5 000 signataires socialistes et sympathisants qui refusent cette réforme, on peut s’interroger sur le poids de l’initiative. (...)

Mais ce gouvernement ne cesse de nous étonner et pas favorablement. Je ne veux pas parler des « couacs » de communication mis en avant par la presse et qui ne m’intéressent pas. Je veux parler des décisions successives présentées comme en faveur des entreprises, en fait favorables à la finance et défavorables aux salariés. Je veux parler de l’impôt qui devient insupportable pour les classes moyennes et populaires, pour les retraités par exemple, tandis que les exonérations de charges continuent et s’amplifient pour le patronat. Je veux parler du manque de courage contre les délocalisations (encore 900 emplois de perdus à Alcatel-Lucent). Je veux parler du manque d’inflexion dans la politique des services publics : à travers le 5ème paquet ferroviaire, c’est la privatisation qui s’accélère ; dans l’hôpital public, le plan de casse sarkozyste continue.

Attardons-nous un instant sur l’Hôtel-Dieu de Paris. Si la mobilisation des personnels, avec principalement la CGT, et de certains élus avaient incité Marisol Touraine à reporter la fermeture du service d’accueil des urgences, on ne peut que s’interroger sur le fait que la direction générale de l’AP-HP soit toujours en place et mène une politique qui ne peut qu’aboutir à l’empêchement de fonctionner des urgences, par exemple en essayant de déménager en fin d’été les lits de médecine interne, service d’aval des urgences, ou en détournant vers d’autres hôpitaux, déjà surchargés, les ambulances des pompiers. Un échelon inadmissible a de plus été récemment franchi avec l’assignation devant le tribunal administratif de militants et de syndicats. Ceci, sans réaction ministérielle.

Disons-le sans détour, à Résistance Sociale, le contrat de confiance avec un gouvernement qui n’a jamais mené la politique économique et sociale pour laquelle il a été élu, ni vraiment tourné le dos au sarkozysme, est rompu. Qu’on ne vienne pas nous reprocher de faire le jeu de l’extrême droite, qui vient de remporter la cantonale partielle de Brignoles, comme c’était d’ailleurs déjà le cas en 2011. Plutôt qu’un pacte républicain appelant à voler au secours de candidats de l’UMP, dont le programme rejoint de plus en plus celui du FN, c’est un changement profond de la politique économique et sociale qui peut détourner nos compatriotes de l’abstention ou du vote en faveur de ce parti.

Il est temps d’inverser les priorités et de remettre la satisfaction des besoins du peuple au cœur du projet. RÉSO y appelle avec l’ensemble des forces qui veulent réellement et sans sectarisme y travailler