Retraites : la réforme de trop !
Par Jean-Claude CHAILLEY - Article publié dans le n° 116 (juin 2013) du journal RESO
Mis en ligne le 19 juin 2013
François Hollande a annoncé qu’il fallait un nouveau modèle économique et social

François Hollande a annoncé qu’il fallait un nouveau modèle économique et social. Ce nouveau modèle social c’est :

Ø      L’ANI (Accord national interprofessionnel) du 11 janvier, devenu loi dite de « sécurisation de l’emploi »

Ø      L’Acte III de la décentralisation (en cours).

Ø      Et… la réforme de la protection sociale.

 

De François Mitterrand en 1981 à mai 2013 : progrès et contre-réformes

 

1981- 1982 : F. Mitterrand met en œuvre le changement tant attendu : la retraite à 60 ans, à taux plein, pour 37,5 années de cotisation (150 trimestres) et basée sur les 10 meilleures années dans le privé, 6 derniers mois dans le public. Les retraites sont indexées sur le salaire moyen qui croit plus vite que les prix. Immense progrès.

Puis ça se gâte : Séguin 87 (privé), Balladur 93 (privé), Juppé 95 (contraint de jeter l’éponge par la grande grève des cheminots), Fillon 2003 (fonctionnaires), Sarkozy 2007 (régimes spéciaux), puis 2010 (tous), accords paritaires, Lois de Financement de la Sécurité sociale (depuis Juppé 1996) … s’en prennent tantôt au privé, tantôt au public, aux régimes spéciaux et/ou à tout le monde.

 

Résultat : depuis 1993 les retraites ont déjà perdu environ 30 %

La retraite passe à 62 ans, la durée de cotisation doit monter à 167 trimestres (+17), les 10 meilleures années sont devenues 25, les retraites sont indexées sur l’inflation…. l’AGIRC et l’ARRCO sont même désindexées de l’inflation jusqu’à la prochaine négociation dans 3 ans.

Pour François Hollande (pas seulement le rapport Moreau)
ce n’est pas suffisant !

 

Toutes les branches de la Sécurité sociale sont dans le collimateur. La famille (avec la réforme du quotient familial) ; la santé (avec - entre autres ! - la baisse de 10 % du budget accidents de travail / maladies professionnelles) ; et bien sûr : les retraites.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale propose de baisser les cotisations sociales employeurs (partie du salaire qui est socialisée) et de les transférer sur les salariés soi-disant en laissant le salaire net inchangé dans un premier temps…

 

La réforme annoncée par F. Hollande dans sa conférence de presse du 16 mai et le rapport Moreau est une d’une extrême violence par son contenu.

 

Cette réforme suit les exigences du FMI, les instructions données par la Commission européenne : « vous avez 2 ans pour atteindre 3 % de déficit / PIB, mais la réforme des retraites, la libéralisation des services publics, c’est tout de suite ». Le contenu c’est le « livre banc retraites de la Commission européenne » qui donne la Grèce, l’Espagne, le Portugal la République tchèque comme modèles de l’ensemble de la protection sociale.

 

Ø      L’objectif c’est d’aller vers 67, 68 ans, voire au-delà, pour le taux plein.

Ø      C’est aussi une baisse drastique des retraites :

§         parce que si la politique actuelle continue, il sera exceptionnel d’avoir la totalité des trimestres ;

§         parce que la désindexation de l’inflation serait catastrophique. N. Sarkozy n’avait même pas osé en parler !

§         par l’augmentation envisagée de la CSG des retraités, avant une deuxième taxation pour la « dépendance ».

 

Ø      On nous dit qu’on « sauvegarde la retraite par répartition ». Mensonge ! La baisse des retraites vers un socle, revendication centrale du patronat, ouvre au contraire la voie à la capitalisation (comme démontré par le « livre blanc » de la CE).

Ø      Le rapport Moreau prévoit un pilotage des retraites en fonction des nécessités budgétaires (Cf. « Pacte pour l’euro plus »). C’est, là aussi sans le dire, la fin du système de prestations définies : impossible de savoir ce qu’on touchera, on est dans la logique des réformes faites en Italie, Suède…

 

L’ensemble serait une des pires contre-réformes de l’Union européenne !

 

Il faut regagner la bataille des idées, démonter l’enfumage qui vise
à convaincre la population qu’on ne peut pas faire autrement

 

 

Ø      Il n’y a pas de gouffre, malgré la crise (et sa gestion calamiteuse)

 

Solde du régime général (comptes Sécurité sociale, juin 2013) :

 

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (p)

Régime général

(5,6)

(7,2)

(8,9)

(6)

(4,8)

(3,5)

 

Ø      Il faut réfuter les éternelles prévisions  de « trous », même rebaptisés « besoin de financement ».  Aucune prévision ne tient plus de quelques mois : 6 mois après le rapport du COR, le rapport Moreau augmente la prévision de déficit du régime général de près de moitié !

Ø      Le dogme selon lequel il est certain qu’on vivra plus longtemps dans les décennies à venir est une absurdité. Vivre plus longtemps est incompatible avec une politique d’austérité : un SDF ne sera pas centenaire. La condition pour que l’espérance de vie augmente, c’est de changer de politique, pas l’amplifier.

On nous refait le coup du FMI : après avoir tout dévasté en Grèce et ailleurs, le FMI explique qu’il s’était trompé (mais qu’il faut quand même poursuivre).

Ø      L’espérance de vie en bonne santé est de 61 / 62 ans. Comme ça met à mal la logique de la réforme, ils l’ignorent. Ils prennent comme critère l’espérance de vie – en bonne ou mauvaise santé d’ailleurs – à 60 ou 65 ans. C’est la notion de retraite à la carte, de comptes notionnels qui est amorcée sans le dire.

Ø      Il faut continuer à réfuter le dogme inepte de « la dette qu’on transmet aux générations futures »

Ø      Il faut dénoncer l’instrumentalisation des « pauvres » pour imposer la régression sociale pour tous. J.M. Ayrault consent à « ne pas baisser les  petites retraites »  (ASPA … que N. Sarkozy avait augmenté de 50 %).

 

Une réforme imposée antidémocratiquement: la forme rejoint le fond

 

Ø      La 2ème conférence sociale des 20 et 21 juin sera suivie d’une « concertation » (pas négociation) en juillet puis les 3 premières semaines de septembre. Dès le 20 septembre : projet de loi, qui de toute façon est déjà bien cadré par F. Hollande.

Ø      Le gouvernement et le MEDEF espèrent rééditer la stratégie de l’ANI : quelques soi-disant « avancées », un ou deux points de blocage qui sautent par miracle au dernier moment (Cf. taxation des CDD) et signature de certains syndicats.

 

è    Nous contestons ce calendrier antidémocratique, accéléré par rapport à l’ANI.

 

Il n’y a rien à garder du rapport Moreau de contre-réforme

 

On ne veut ni allongement de la durée de cotisation à 43 ou 44 ans, ni repousser l’âge légal à 63 et 68 ans, ni désindexation de l’inflation, ni désindexation des salaires portés au compte, ni suppression de la majoration de pension pour 3 enfants ou plus, ni augmentation de la CSG des actifs ou des retraités, ni remise en cause de l’abattement de 10 % sur les pensions, ni système de pilotage.

On ne veut pas de la remise en cause des 6 derniers mois pour la fonction publique, qui serait une étape vers la suppression du statut, la privatisation à la découpe.

 

 

Notre projet :

60 ans pour le taux plein, 75 % de taux de remplacement, 10 meilleures années, indexation sur le salaire moyen, 6 derniers mois pour la fonction publique, égalité femmes-hommes, pénibilité...

 

Bref tout à rebours de la « parenthèse de la rigueur » dont on déplore le 30ème anniversaire !

 

La construction du rapport de forces

Le passé récent pèse. On n’a pas pu imposer nos propositions à N. Sarkozy, même pas bloquer sa réforme. L’ANI entre en vigueur dans 15 jours.

Rien n’est joué : sur BFM on disait vendredi 14 juin: « Jean-Luc Mélenchon dans la rue à la rentrée ». Sous-entendu : une ou deux manifs comme l’ANI et c’est voté. Mais on disait aussi « réforme de tous les dangers pour le gouvernement ».

 

Il faut l’unité contre ce projet de réforme

D’ores et déjà les Unions confédérales de retraités CGT, FO, FSU, Solidaires ont pris position contre.

La lutte contre ce projet de réforme, pour les revendications des salariés, permet le financement des retraites et de la Sécurité sociale.

Une autre répartition des richesses par l’augmentation des salaires et de l’emploi : d’ailleurs c’est lié.

Pour la 1ère fois depuis 1984 le pouvoir d’achat a baissé. Des syndicats, des partis, proposent le SMIC à 1 700 €, l’augmentation des salaires. La part des salaires dans la valeur ajoutée a perdu 6 à 8 points.

 

è    Chaque 1 % d’augmentation du salaire moyen, c’est 2,5 Mds €.

è    1 million de chômeurs de moins c’est 13 Mds € pour les retraites.

§         Le travail illégal, c’est 6 Mds € pour les retraites.

§         L’égalité femmes-hommes c’est 6 Mds €.

§         Supprimer tout ou partie des 30/40 Mds € d’exonérations/exemptions de cotisations sociales patronales (qui se partagent entre l’État et la Sécu dont les budgets sont confondus au niveau déficit).

§         Supprimer les 20 Mds € du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi).

§        

Cette réforme, c’est un choix de société !

Salariés, retraités, chômeurs, tous ensemble, on peut, on doit gagner !