Journal REsistance SOciale n° 114
Avril 2013
Mis en ligne le 23 avril 2013

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale / p.3 à 5 : Place au débat (Négation de l’état de droit, austérité, le modèle chypriote de la troïka) / p.6 et 7 : Actualité sociale (Les incroyables leçons pour économistes que tire Olivier Blanchard de la crise financière) (Non, les postiers ne sont ni des fainéants ni des idiots) / p.8 : Les bras m’en tombent (Échanges musclés à l’Assemblée nationale : la ligne blanche est franchie) / Coup de gueule (BPI : une banque pour le business ?)

L’édito de Marinette Bache :

Les suites de l’affaire Cahuzac n’en finissent pas d’alimenter les colonnes de la presse bien-pensante. Cette affaire a une double face. D’abord, elle prouve une fois de plus que le gou-vernement n’est pas à la hauteur. Il se lance dans une boulimie de pseudo-transparence qui ne sert qu’à alimenter le rejet des politiques. Ce grand déballage sur la situation financière des ministres n’est qu’un pare-feu peu subtilement inventé par l’Elysée et qui révèle combien certains vivent en dehors de la réalité quotidienne des simples mortels. Ce qui, d’ailleurs, ne prouve rien en soi.

Ce qui est plus grave, c’est que tous les Français ressentent cette histoire pour ce qu’elle est : un symbole et un révélateur. De quoi ? De la collusion du pouvoir et de l’argent, du mensonge et du mépris. Ce ministre, dont le libéralisme était pratiquement affiché et qui « ne croyait pas à la lutte des classes », on comprend pourquoi il refusait de s’affronter au Capital ! Mais, surtout, on s’indigne, comme notre ami et camarade Gérard Filoche, lorsqu’il se fait l’apôtre de la « règle d’or », lorsqu’il impose encore plus d’austérité aux salaires, lors-qu’il veut, à nouveau, s’en prendre aux retraites.

Personne n’ignore, au sommet de l’Etat, Elysée et gouvernement, mais également au Parle-ment, que 600 milliards d’euros échappent à l’impôt en se planquant, avec la complicité active des banques françaises, dans les paradis fiscaux. Pourquoi faut-il que ce soit les Etats-Unis qui exigent et obtiennent la liste des fraudeurs et pas le gouvernement de Jean Marc Ayrault ? Alors, la publication du patrimoine des ministres, comme l’évocation d’un référendum moralisateur, non seulement ce n’est pas à la hauteur, mais ça met en rage !

Pendant ce temps-là, on ne parle guère du projet de loi transposant l’ANI, qui n’a retouché qu’à la marge le texte de l’accord, projet adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, mal-gré l’abstention ou le vote contre d’une cinquantaine de députés de gauche, dont six députés et une sénatrice socialistes, qui ont osé aller jusqu’au bout de leur opposition au texte. Un texte qui met à mal la cohésion sociale, en détricotant encore un peu plus le droit du travail déjà bien ciselé par la droite. (...)

Licenciements facilités, recours au juge rendu plus difficile, at-teinte aux conditions de travail des salariés, tout cela décidé par un gouvernement de gauche. Pendant ce temps-là, les salariés de Mégastore, de Pétroplus, de PSA, … voient le chômage se profiler à l’horizon, ou, au mieux, leurs conditions de vie et de travail se détério-rer, accentuant la fracture entre eux et un gouvernement qui paraît sourd à leurs revendications, alors même qu’il y a un an, ils fondaient de grands espoirs en lui. Tout cela au nom d’une rigueur aux couleurs de l’austérité européenne, chère à Madame Merkel, bien que le gouvernement s’en défende. Mais quelle différence y-a-t-il entre rigueur et austérité quand on limite le pouvoir d’achat, quand on supprime des postes de fonctionnaires, quand on ne donne pas aux hôpitaux les moyens d’assurer un service hospitalier performant, … ?

Au nom de quoi la France devrait-elle en faire plus que les Pays-Bas, qui viennent de mettre une sourdine au plan d’austérité ? Pour faire plaisir au libéral Barroso ou à Madame Lagarde qui se moquent bien de notre peuple, comme des autres d’ailleurs ? Par peur des foudres de la chancelière allemande, dont rien ne dit qu’elle sera reconduite à l’issue des prochaines élections législatives outre-rhin ? Elu par le peuple de gauche, François Hollande a une dette envers lui. Ce n’est pas en faisant une politique libérale ou en se montrant trop complaisant envers le monde de la finance qu’il acquittera son dû. Il est temps de changer de politique en s’appuyant sur l’ensemble des forces de progrès. C’est la meilleure manière de parvenir à contrer la gangrène factieuse qui s’agite autour de son refus de l’égalité des droits. La gauche n’a pas à avoir honte d’elle-même.