Accord interprofessionnel Wagram
Par Gérard Beillard correspondant départemental de Résistance sociale dans la Mayenne.
Mis en ligne le 22 janvier 2013

Cet accord est-il un progrès pour l’ensemble des salariés ?

Non, c’est une régression et il n’aura pas d’effets sur le chômage. Le fait que les négociations aient eu lieu au siège du patronat, boulevard Wagram, n’était pas neutre. Le patronat a conduit les négociations à sa façon.

Pour l’essentiel, les propositions Sarkozy d’avant l’élection présidentielle (projet de décrets) ont été reprises dans l’accord et le code du travail sera revu à la baisse. Dans les négociations pour garantir l’emploi, les mesures de flexibilité l’emportent sur celles visant à la sécurité de l’emploi. Le chantage à l’emploi continuera car il faut faire pression sur les salaires, comme le demandent les actionnaires afin d’améliorer la compétitivité des entreprises.

Il est lamentable de présenter comme une avancée, comme le fait la CFDT, la création d’une assurance complémentaire qui ouvre des droits, en fait un ticket modérateur. C’est ouvrir un marché pour les assurances privées, car ce sont les entreprises qui choisiront l’organisme assureur. Les remboursements seront à un bas niveau, entre le ticket modérateur (secteur 1) et la CMU, le niveau de garantie étant modulable selon le prix choisi par l’entreprise. Les dépassements, sauf pour les cadres, seront à la charge des salariés. Et, ce sera un manque à gagner pour la sécurité sociale, alors que la bonne solution serait que l’assurance complémentaire se fasse par le biais de la sécurité sociale. Le patronat investit dans la santé. Ses représentants assureurs vont tirer bénéfice de cet accord. Ils sont déjà dans les organismes de la sécurité sociale et cherchent à appauvrir celle-ci pour y rentrer davantage.

L’orientation reste la même que sous le gouvernement précédent. L’Etat se désengage de la protection sociale. La tendance est d’aller vers le modèle anglo-saxon, pendant que les USA se tournent vers le modèle français…

Les salariés perdent des droits avec l’assouplissement de la durée du travail et des licenciements. « C’est la flexibilité maintenant, et la sécurité plus tard ». Les demandes du Medef sont, depuis plus de 25 ans, en défaveur des salariés. Les banques et actionnaires ont accru leurs exigences. Quant à la CFDT, ses promesses n’ont pas été tenues lorsqu’elle a engagé les salariés dans l’accord sur les retraites en 2003. En fait, c’est un accord qui favorise les cadres et c’est pourquoi la CGC et la CFDT l’ont signé. Le patronat aime les syndicats « réformistes » car ils acceptent les réformes libérales qui vont dans son sens.

On est ni naïfs, ni des opposants systématiques. Mais on a l’impression de ne plus être dans le pays de la grande Révolution française. On nous demande de subir, comme au temps de la domination des rois. Le peuple n’est pas écouté. La République a perdu son sens. Les valeurs de fraternité et de justice ne sont plus à la mode.

Mais nous vivons au temps d’Internet et ne sommes plus incultes. Nous n’acceptons plus que les plus gros efforts soient toujours demandés aux plus faibles, avec les licenciements en fin de compte. Ce n’est pas par hasard si le stress est le premier symptôme de maladies professionnelles en France.

Face à la soif de pouvoir qu’ont les dirigeants et la complicité entre certains syndicats et le gouvernement, ce qui contribue à appauvrir le peuple, nous demandons que les efforts soient partagés et que l’humain passe avant la spéculation.

Il faut cesser d’augmenter la pauvreté pour satisfaire l’Europe, comme le veut l’Allemagne. Ce pays, qui était un modèle pour les salariés - les salaires étaient 30 % plus élevés en Allemagne qu’en France il y a 25-30 ans, le patronat était aux petits soins des ouvriers - impose désormais l’austérité salariale à toute l’Europe, cette Europe qui a choisi les valeurs de concurrence et de compétition entre ses membres, alors qu’elle avait été fondée sur celles de la coopération et de la solidarité entre les nations.

L’Europe libérale n’est pas un modèle. Nous voulons que la valeur « travail » ait autant d’importance que la valeur « capital ». Le capitalisme doit être encadré et compensé par le pouvoir politique républicain de l’Etat. Quand le pouvoir politique se met au service du « capital », cela donne le capitalisme financier, qui détruit l’humain.

Avec Sarkozy, il fallait travailler plus pour gagner plus. Depuis la crise financière, les salaires baissent, ce qui est une erreur car il faut des revenus pour consommer et faire marcher l’économie. Le système libéral tire vers le bas les revenus salariaux de production (pas des cadres) afin de rapprocher les coûts de production des conditions salariales des pays émergents.

En conclusion, les syndicats qui ont signé l’accord de Wagram affaiblissent la majorité des salariés, mettent en péril notre modèle de protection sociale et ne contribuent pas au redressement national.

* Gérard Beillard correspondant départemental de Résistance sociale dans la Mayenne.