Vive l’amitié franco-tunisienne !
Article co-écrit par Marinette Bache et Michel Jallamion
Mis en ligne le 20 octobre 2008
Que n’avons-nous entendu depuis ! Alors, oui, la Marseillaise a été sifflée. Et ce n’est pas bien : aucun hymne national n’a à être sifflé. Mais faut-il être assez étranger au sport pour ne pas savoir qu’il y a toujours des spectateurs pour siffler les hymnes en football et toujours d’autres, dans les gradins du stade, pour demander qu’on respecte l’hymne de l’équipe adverse. Le problème c’est que depuis 1998 où les “ politiques ” se sont emparés du football, on demande à ce même football de porter ce que le “ politique ” n’a su porter ; c’est à dire l’intégration ou plus exactement les manifestations extérieures d’une véritable intégration. Eh bien la question est à la fois plus simple et plus compliquée que ça.

La portée internationaliste des paroles de la Marseillaise échappe au commun des mortels : la faute à qui ? Il y a eu bien plus dérangeant, ce 14 octobre au SDF, et on n’en parle pas : la surenchère sur le respect, dégoulinant de bien-pensance ne donnait qu’une seule envie : se foutre de la gueule de ces donneurs de leçons ! Qu’ils ré-identifient la France à ses principes républicains au lieu d’exclure 1793 et Jules Ferry des livres d’Histoire. Qu’ils expliquent la symbolique des hymnes au lieu de tenir des discours mièvres sponsorisés par Coca-Cola ! Le stade était rempli à 90% de supporters de l’équipe de Tunisie qui jouait pour la première fois dans le Stade de France : ils étaient “ chez eux ” et ont été emportés par leur élan. Au risque de vous choquer : oui, il y avait de la beauté à voir toutes ces générations d’origine tunisienne fières de leur équipe et de leurs origines, qui supportent habituellement l’équipe de France, supporter l’équipe de Tunisie et s’accaparer le stade mythique de 98.Oui , les Franco-tunisiens, jeunes vieux, ont supporté “ leur ” équipe. Ils l’ont fait dans un esprit folklorique ce qui est bien.

Et les supporters de l’équipe de France, ils n’était pas là ? Eh bien si : une grande partie était là : sous les drapeaux tunisiens il y avait des écharpes tricolores. Sous les blousons, des ti-shirts de l’équipe de France. Pourquoi personne n’en parle-t-il ? Pourquoi, personne ne parle-t-il de ce jeune couple assis devant nous et qui s’est levé du même élan pour les 4 buts ? Tous ces supporters s’époumoneront la prochaine fois à chanter la Marseillaise. Qui le dira ? Qui parlera des chechias qu’arborait la majorité des spectateurs et qui, sous les deux drapeaux, étalait fièrement le slogan “ Vive l’amitié franco-tunisienne ! ” Ce sont ces mêmes jeunes qui étaient dans la rue en 1998 et qui siffleraient les hymnes des adversaires de l’équipe de France s’ils avaient les moyens financiers d’assister à tous les matchs. Au passage, l’hymne tunisien (chanté en premier) a eu quelques sifflets mais personne n’en parle ce serait trop dérangeant. Que la FFF se débrouille à trouver des supporters pour soutenir notre équipe nationale reste un problème sportif… et un choix financier, mais les déclarations de Laporte sont une honte pour la France ! Voudrait-on faire se lever des Français contre d’autres Français qu’on ne s’y prendrait pas autrement : eh bien non, ça ne marchera pas !

Au risque d’un parallèle que d’aucuns jugeraient scandaleux : cela fait maintenant 14 ans que Michel n’est plus à Grenoble mais il a supporté Grenoble contre le PSG. Quel rapport ? Et bien il est sûr que ses enfants feront de même voire ensuite ses petits enfants ! Si le Parc des Princes avait été rempli de Grenoblois, Michel aurait hué à tout rompre le PSG, sauté et scandé le nom de ce qu’il juge ” son ” équipe, à mon plus grand dam, moi pour qui “ Ici, c’est Paris ! ”. Mais si l’équipe reçue au Parc avait été Châteauroux, j’aurais hué PSG tandis que Michel l’aurait soutenu sans discussion. Cela n’empêche pas que nous aimons Paris, que nous soyons supporters de Paris contre tous ” les autres “, que “ Paris est magique ” face à l’OM et que nous ne retournerons pas vivre dans notre région d’origine. Et cela ne nous empêche pas d’être amis. Si cette identification au pays d’origine reste forte qu’en est-il du sentiment national ? Peut-il s’estomper sur simple oukaze aussi attachante soit la ville d’accueil, aussi belle soit la nouvelle Patrie ?Le parallèle n’est pas si bête. Le foot n’est pas la guerre. On a tous tendance à soutenir le ” petit Poucet “. C’est même typiquement Français : c’est le contraire en Allemagne et aux Etats-Unis en tout cas.

Une image pour terminer : celle de ce grand-père et de cette jeune fille, tous les deux avec un ti-shirt tunisien ; le petit garçon sur les épaules du grand père portait le maillot de l’équipe de France et un drapeau français peignait le visage de la jeune fille. Vive la France et vive l’amitié franco-tunisienne !

* Lire l’interview de Michel Platini dans “ Le Monde ” du 18 octobre