Journal REsistance SOciale n° 101
Février 2012
Mis en ligne le 17 février 2012

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale / p.3 et 4 : Place au débat / p.5 et 6 : Communiqué de Résistance Sociale / p.7 : Actualité sociale / p.8 : Coup de gueule

L’edito de Marinette Bache :

La misère s’installe comme une réalité quotidienne en France et en Europe. La misère, la vraie, celle qu’on croyait repoussée hors de nos frontières. La misère, celle qui tue non seulement les SDF dans la rue, mais les pauvres gens dans des appartements chauffés à la bougie, l’électricité ayant été coupée. La misère, celle qui allonge les files d’attente devant les soupes populaires ou les restos du cœur. La misère qui condamne les enfants à ne manger qu’un seul repas par jour : celui de la cantine scolaire.

8,2 millions de Français vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté (959 € mensuels) et le Président du Conseil économique et social porte à près de 15 millions le nombre de personnes vivant dans des conditions « indignes d’un pays développé ».

Et on pourrait presque dire que la France s’en sort bien. Son modèle social (ce qu’il en reste), issu de la Résistance, sert encore d’amortisseur à la paupérisation généralisée de la population, paupérisation fortement accélérée depuis 5 ans et les années Sarkozy.

Le nouveau modèle social que voulait instaurer le CNR, fondé sur la solidarité et la justice sociale, laisse peu à peu la place à des mécanismes de charité : la CMU remplace la Sécurité sociale, le RSA remplace le SMIC, Médecins du Monde, les hôpitaux publics et les emplois aidés, les CDI. Quand on parle d’inclure une « clause sociale » lors de la passation d’un marché public, il ne s’agit pas d’imposer un dialogue social, des revalorisations salariales ou des négociations sur les conditions de travail, mais de s’assurer de l’embauche de 2 ou 3 chômeurs de longue durée pour lesquels on paiera les cotisations dites « patronales »…

Foin de l’ascenseur social, lorsque le simple égal accès aux services publics n’est plus assuré ! Et de quel service public ? La Poste ? Une gestion totalement privatisée sans prise en compte de l’intérêt général. Les hôpitaux ? Délabrement organisé et fermetures programmées. Les transports ferroviaires ? Priorité aux TGV, état catastrophique des lignes de banlieue qui véhiculent les salariés et abandon des lignes secondaires vitales pour les territoires. Edf, GdF, Télécommunications, Pôle Emploi ? Dérégulés, privatisés.

Tandis que le bien commun a été vendu à l’encan, tandis que flambent les bonus des actionnaires, les stock-options et les parachutes dorés, on met les pauvres à l’index. Acculés à la survie, ils deviennent des « profiteurs » qu’il faut pourchasser. De honteux voleurs, même, alors qu’on affirme la nécessité de réduire la « dette publique » et donc l’obligation – pour les travailleurs, pas pour les financiers, dont il ne faut pas « se couper » ! – de se serrer la ceinture. (...)

Et que dire des autres pays de l’Union Européenne ? Je ne parle même pas des ex-pays de l’Est mais plus simplement de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie. Et de l’Allemagne, oui de l’Allemagne, où les chiffres du chômage doivent être truqués avant d’être présentés. De l’Allemagne, où il n’est pas facile d’être femme et de travailler, où les emplois précaires ont explosé. De l’Allemagne qu’on s’obstine pourtant, dans les médias, à nous citer en exemple !

Comment ne pas terminer en évoquant la Grèce ? Comment ne pas rendre hommage au vaillant peuple grec qui est resté mobilisé toute une nuit – et qui l’est encore - pendant que son Parlement le soldait à moitié prix pour obéir à la fameuse troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), pour le plus grand profit des banquiers. Comment des élus du suffrage universel peuvent-ils à ce point mépriser leurs électeurs, auxquels ils infligent misère et famine à travers un nième plan d’austérité qui n’a plus de sens, qui baisse des revenus salariés de 50 % après avoir privatisé tout ce qui était possible, tandis que les multimillionnaires sont légalement dispensés de toute imposition ? Si la Grèce avait un gouvernement digne – il faudrait déjà pour cela qu’il eut été démocratiquement élu – celui-ci déclarerait cette « dette » nulle et non avenue, comme l’Argentine l’avait courageusement fait.

Après donc le nouveau traité concocté par A. Merkel et N. Sarkozy, sans aucune consultation populaire, à 2 mois et demi des élections en France, après la mainmise dictatoriale de la finance sur la Grèce, on peut se demander : « Jusqu’où iront-ils ? ».

Jusqu’à ce que les peuples reprennent leur destin en main.

Marinette Bache