Journal "REsistance SOciale" n° 90
Février 2011
Mis en ligne le 18 février 2011

Au sommaire ce mois-ci :

L’édito / Solidarité internationale / Dossier du mois : à propos de la dépendance / Actualité sociale / Coup de gueule

L’édito de Marinette Bache, présidente de Resistance Sociale

Après Ben Ali, c’est au tour de Moubarak de « dégager ». Soufflerait-il un vent de liberté pour les peuples soumis à un régime autoritaire ? Comme pour la Tunisie, il faut rester prudent sur ce qui va se passer en Egypte dans les mois qui viennent. A Tunis, c’est un premier ministre issu du clan Ben Ali qui dirige le pays. Au Caire, c’est l’armée qui est toujours aux commandes, même si elle promet de rendre le pouvoir aux civils. Surtout, au-delà du changement de président et de gouvernement, il ne faut pas oublier que c’est le refus du chômage, de la pauvreté, de la misère qui a poussé les peuples à se révolter, et à chasser, en quelques jours des dictateurs de 30 ans. Ce qui importe donc est la politique économique et sociale qui sera mise en oeuvre pour donner un espoir à une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Comme dans les autres pays du Maghreb d’ailleurs, qui eux aussi risquent de connaître des secousses.

Cette région n’est pas la seule où une poignée de dirigeants s’accaparent les richesses pendant qu’une grande partie de la population a beaucoup de mal à survivre.

En France, même si on n’en est pas encore là, le divorce entre ceux qui nous dirigent et le peuple n’est jamais paru aussi profond. Une fois de plus Sarkozy lors de son show sur TF1 nous a seriné, avec de moins en moins de conviction, sa chanson que plus personne ou presque n’écoute. A part quelques confirmations comme sa volonté de « s’intéresser » à la dépendance – frère Guillaume, ne vois-tu rien venir ? –, pas grand-chose à retenir de cette prestation.

Je ne m’étendrai pas non plus sur la question des voyages à l’étranger de l’équipe gouvernementale, sinon pour faire remarquer que ces attitudes ne font que creuser encore le fossé entre le peuple et ses représentants, contribuant également à amplifier le discrédit d’un gouvernement que chacun perçoit de plus en plus comme étant celui des riches plus que celui de la France.

Et pendant ce temps-là, le chômage est reparti à la hausse, comme on pouvait s’y attendre. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de supprimer 1 800 postes à Pôle emploi. On marche sur la tête !

Et pendant ce temps là, on apprend, par une étude récente, qu’un quart des 25 millions de salariés français gagnent moins de 9 000 euros annuels. Soit 6,25 millions de personnes gagnant moins de 750 € par mois, 73 % du SMIC. La paupérisation d’une grande partie de la population transparaît à travers la généralisation de l’emploi précaire et sous-payé.

Dans ce contexte, l’imbécillité de la RGPP et des suppressions de postes dans la Fonction publique prend tout son sens. Comme le disait un conseiller UMP de Paris, Jean Baptiste Menguy, « Vous reprochez à l’Etat de vouloir détruire l’Education Nationale et, ce faisant, de supprimer 16 000 postes. Qui peut nier aujourd’hui que notre pays se doit d’avoir une attitude exemplaire dans la gestion de ses services publics et des finances publiques qui y concourent ? L’effort doit être assuré par tous les corps de l’Etat et l’E. N., avec près d’un million d’agents, doit prendre toute sa part dans la volonté de dépenser mieux et de façon maîtrisée… ».

Autrement dit, supprimer des postes c’est dépenser mieux... Nulle réflexion sur le rôle de ces emplois, sur l’utilité du service public dont ils relèvent. Comment mieux démontrer que la simple logique comptable s’oppose à l’intérêt général ? Médecins, enseignants, juges et mêmes policiers viennent pourtant de nous rappeler avec force ces derniers jours qu’à force de supprimer des emplois on finissait par mettre en danger le service public lui-même et par ne plus lui permettre de fonctionner.

Et pourtant, non contents de leur œuvre, encore inachevée certes, Sarkozy et son gouvernement pensent déjà au coup d’après en proposant d’inscrire dans le marbre constitutionnel l’objectif de « zéro déficit ». Outre que, s’ils y parvenaient, ce serait rogner sur les pouvoirs du Parlement, cette chasse au déficit budgétaire ne répond à aucune logique économique sérieuse. Mieux même : la réalité démontre le contraire. Tout le monde reconnaît, par exemple, que l’aide de l’Etat à l’automobile sous forme de prime à la casse a eu un effet bénéfique. Il fut même un temps où l’Etat jouait un rôle direct dans l’industrie, la sidérurgie par exemple, et l’emploi, comme notre balance extérieure, ne s’en portaient pas plus mal ! Preuve, s’il en est, que l’argent de l’Etat, quand il est injecté intelligemment, est efficace. Les banques ne diront pas le contraire, elles qui ont reconstitué leurs marges grâce à l’Etat, mais c’est une autre histoire !

Face à cette situation, on aimerait que l’opposition politique fasse plus clairement entendre sa voix. Mais chaque parti semble englué dans un jeu de primaires qui fait retomber tout le débat sur les personnes au lieu d’être d’abord une confrontation idéologique, dont on sait bien pourtant qu’elle est nécessaire à la Gauche.

Dans l’attente de cette prise de conscience, le rôle des organisations syndicales, associatives et collectives des salariés, est essentiel pour faire avancer le débat et maintenir la pression !

Marinette BACHE